Abécédaire Robbe-Grillet
Coffret Robbe-Grillet - Récits cinématographiques (9 DVD) (Editions Carlotta) Sortie le 6 novembre 2013
Acteur: Chez Robbe-Grillet, les acteurs sont à la fois des personnages mais deviennent également des narrateurs et des metteurs en scène : Trintignant qui modifie le récit de L'homme qui ment au rythme de ses mensonges, Pierre Zimmer qui devient le grand « deus ex machina » deL'eden et après, Arielle Dombasle, écrivain et héroïne de C'est Gradiva qui vous appelle, etc. Dans ce cadre là, un acteur classique comme Noiret (Le jeu avec le feu) apparaît comme totalement perdu et semble s'ennuyer ferme dans le film. Idem pour un Daniel Mesguisch (La belle captive) qui accentue trop le caractère théâtral de son jeu. A l'inverse, Jean-Louis Trintignant (4 films avec le cinéaste) est comme un poisson dans l'eau et apporte son humour aux films auxquels il a participé.
Breuvage : Dans certains films du cinéaste, c'est l'absorption de breuvages mystérieux qui déclenche les visions, les fantasmes. Dans L’Éden et après, Catherine Jourdan refuse de boire une écuelle pleine d'eau et la propose à son geôlier qui étouffe immédiatement. Dans La belle captive, la « Marie Sanglante » que boit Mesguisch pourrait bien être le point de départ des rêves emboîtés qui constituent la structure du film.
Chaussure : Comme chez Buñuel, le fétichisme est une composante importante du cinéma de Robbe-Grillet. Dans Glissements progressifs du plaisir, une chaussure bleue revient comme motif visuel récurrent et se trouve placée sous une cloche en verre, comme un objet précieux. Une scène très amusante de La belle captive confronte Mesguisch, héros perdu dans un dédale d'aventures mystérieuses, à l'excellent Daniel Emilfork qui incarne ici un inspecteur. Ce dernier demande à vérifier les poches du héros, craignant que la grosseur visible dissimule un revolver. Mesguisch en sort une chaussure (celle de la femme qu'il recherche) et l'inspecteur de déclarer : « ah, je vois ! Monsieur est fétichiste...Comme tout le monde... »)
Décor : Les films d'Alain Robbe-Grillet se déroulent souvent dans des endroits « exotiques » qu'il utilise comme pures conventions. Dès L'immortelle, il filme une Turquie de carte postale où les rue d’Istanbul paraissent presque « factices ». De la même manière, la forêt d'un pays de l'Est non identifié de L'homme qui ment, la Tunisie blanche et bleue de L’Eden et après, la Médina de C'est Gradiva qui vous appelle apparaissent comme des visions touristiques que le cinéaste décape pour en faire de véritables labyrinthes mentaux. Dans ces films, l'espace ne répond plus aux lois de la physique : on passe d'un plan à l'autre d'un café en Tchécoslovaquie à un décor désertique de Tunisie. Dans Le jeu avec le feu, chaque porte qu'ouvre Anicée Alvina donne sur une sorte de tableau théâtralisé relevant davantage du fantasme que de la réalité. Comme dans son œuvre littéraire, Robbe-Grillet ne s'intéresse pas à l'aspect « descriptif » de ses récits mais invente des lieux imaginaires, mentaux.
Double : Chez Robbe-Grillet, les personnages sont à la fois des êtres fictifs mais également les metteurs en scène de leurs propres fantasmes. Dans Trans-Europ-Express, Jean-Louis Trintignant joue à la fois son propre rôle (un acteur engagé par Robbe-Grillet qui discute avec son producteur et sa script d'un projet de film), le personnage imaginé par le cinéaste (un trafiquant de drogue) mais également un « metteur en scène » qui imagine de sulfureuses relations avec une prostituées (Marie-France Pisier). Dans L'homme qui ment, le même Trintignant ne cesse de s'inventer des identités et de brouiller les pistes d'un spectateur qui ne sais plus dans quel niveau de « réalité » il se trouve. Dans C'est Gradiva qui vous appelle, Arielle Dombasle incarne à la fois un écrivain qui écrit ses « mémoires » (imaginaires!) et la créature fantasmée par le critique d'art John Locke. Elle se définit également comme « une actrice de rêves » ! Mais c'est dans L'Eden et après que Robbe-Grillet pousse les choses le plus loin lorsque Catherine Jourdan se trouve face-à-face avec une jeune femme qui lui ressemble énormément et qui rend soudainement vertigineux ce jeu de miroirs que constitue le film.
Enlèvement : Le jeu avec le feu est un film construit entièrement sur une série d'enlèvements, ce qui lui donne un côté presque burlesque dans la mesure où ces actions (menées par l'incontournable Trintignant) sont traitées comme des cases d'une bande-dessinée (accélération du rythme, caractère incongru des situations...)
Époque : Si les films de Robbe-Grillet sont totalement irréalistes et refusent tout lien avec « l'actualité », ils sont néanmoins souvent imprégnés de l'« air du temps » et témoignent d'un certain état d'esprit de l'époque de leur tournage. En 1963, L'immortelle évoque par son hiératisme et l'absence totale d'émotion des personnages un malaise existentiel que l'on retrouve également dans les films de Resnais et d'Antonioni de la même époque. Sorti en 1970, L'Eden et après est un vrai film psychédélique avec minijupes de rigueur et substances illicites qui semblent parfois être le déclencheur des visions fantasmatiques des étudiants. Si La belle captive me semble être un film un peu raté (malgré la magnifique photographie d' Henri Alekan), c'est sans doute parce que l'on hume un peu trop la vulgarité des années 80 (Ah, l'atroce coiffure de la pourtant fort croquignolette Gabrielle Lazure!).
Fantasmes : Sans doute l'élément primordial des récits de Robbe-Grillet, depuis les visions de Françoise Brion en guêpière et porte-jarretelles dans L'immortelle jusqu'aux déambulations d'Arielle Dombasle sur une plage marocaine vêtue simplement de voiles transparents dans C'est Gradiva qui vous appelle. Les fantasmes qui constituent les films du pape du « Nouveau-Roman » sont de divers ordres, avec néanmoins une dilection particulière pour le sadomasochisme. Dans Trans-Europ-Express, Trintignant attache déjà Marie-France Pisier aux montants de son lit tandis que Glissements progressifs du plaisir constitue un délicieux catalogue de perversions sadiennes : nécrophilie, cachots sordides, bonnes sœurs cruelles flagellant de jeunes ingénues enchaînées, jeux sadomasochistes... Dans Le jeu avec le jeu, le cinéaste va encore plus loin en filmant des jeux cruels et violents et en évoquant aussi bien l'inceste que la bestialité. Pour Robbe-Grillet, le lieu du fantasme est celui de toutes les libertés. Le pouvoir de l'imagination s'oppose à toutes les structures oppressives de la société et rien ne doit pouvoir la limiter, y compris dans ces expressions les plus osées (Arielle Dombasle, dans C'est Gradiva qui vous appelle, déplore que la police des rêves ait interdit les rêves pédophiles de certains « rêveurs »). A l'heure où la police de la pensée sévit plus que jamais, ce rappel du mot d'ordre de Raoul Vaneigem « rien n'est sacré, tout peut se dire » (ajoutons « et s'imaginer ») fait le prix du cinéma de Robbe-Grillet.
Humour : Souvent passée sous silence, cette dimension est pourtant importante chez le cinéaste, à partir de Trans-Europ-Express et son jeu de déconstruction méthodique de la narration (voir ce mot). Dans Glissements progressifs du plaisir, Trintignant (en inspecteur fantaisiste) et Lonsdale (en magistrat saugrenu) font de savoureuses apparitions comme Emilfork dans La belle captive. Le jeu avec le feu est une œuvre qui glisse souvent du côté du burlesque et nous reviendrons plus tard sur la géniale tirade d'Arielle Dombasle sur la « police des rêves » dans C'est Gradiva qui vous appelle.
Inceste : Dans Le jeu avec le feu, Georges de Saxe (Philippe Noiret) est un riche banquier qui reçoit une demande de rançon pour sa fille Carolina (Anicée Alvina). Or il se trouve que la jeune femme revient tranquillement à la maison. Craignant néanmoins le rapt, son père la confie à un homme (Trintignant) qui pourrait bien être son propre ravisseur et qui la séquestre dans une espèce de bordel de luxe. A l'intérieur de ce bordel, la jeune femme est soumise aux caprices d'un homme qui ressemble furieusement...à son père. Toute l'histoire du film pourrait donc se résumer de la manière suivante : un père voit venir avec inquiétude le moment où un homme viendra lui ravir sa fille et tente de protéger son amour pour elle en la séquestrant, en la gardant en son pouvoir.
Jeu : De L'année dernière à Marienbad (Robbe-Grillet n'était que scénariste), on se souvient du mystérieux jeu des allumettes. La dimension ludique se retrouve souvent chez Robbe-Grillet cinéaste qui construit ses films comme autant de jeux de piste. L'Eden et après possède une structure « sérielle » qui fait que chaque séquence, chaque motif visuel revient à intervalle régulier, déstructurant un peu plus les conventions du récit classique et psychologique. L'auteur poussera encore plus loin ses expérimentations en proposant pour l'ORTF un montage aléatoire et totalement différent de ce film sous le titre (presque) anagrammatique de N a pris les dés, fascinante relecture où un nouveau narrateur invente de nouvelles fictions à partir des mêmes images. Le film est, dès lors, envisageable comme un jeu de dés où chaque nouveau lancer permet d'ouvrir de nouvelles combinaisons de plans et d'imaginer de nouvelles fictions.
Labyrinthe : Chez Robbe-Grillet, la structure du récit peut être envisagée comme un labyrinthe où spectateurs et personnages se perdent. Dans Glissements progressifs du plaisir, les demeures abritent des souterrains aux multiples ramifications, à l'image également du bordel de luxe du Jeu avec le feu ou de l'étrange demeure de La belle captive. Comme dans les labyrinthes, on se perd facilement dans les méandres de ces fictions qui prolifèrent dans tous les sens (voir les mensonges de Trintignant dans L'homme qui ment) et l'on a parfois aussi l'impression de repasser par les mêmes endroits. La structures de ses films forment souvent des boucles qui annoncent le cinéma de David Lynch, notamment Lost highway et Mulholland drive. Dans Glissements progressifs du plaisir, Anicée Alvina est accusée du meurtre de son amie (Olga Georges-Picot). Celle-ci revient sous la forme de l'avocat chargée de sa défense. Mais la relation devient de plus en plus sulfureuse et se termine par la reconstitution du meurtre au moment même où la jeune femme est innocentée. Dans Le jeu avec le feu, l'enlèvement annoncé puis redouté finit réellement par advenir. Dans tous les films de Robbe-Grillet, il y a ce sentiment que le film débute par la fin et « retombe sur ses pieds » sans pour autant que la logique rationnelle ait cours.
Mensonge : Le mensonge est le corollaire indispensable du fantasme. Ce sont les mensonges du héros de L'homme qui ment qui créent la fiction, la font proliférer et aller dans des directions contradictoires. De la même manière, Anicée Alvina réinvente constamment ses histoires dans Glissements progressifs du plaisir et oppose à la logique rationnelle de la justice et de la police la puissance de l'imaginaire.
Mort : Dans L'immortelle, le professeur de français incarné par Jacques Doniol-Valcroze rencontre une mystérieuses femmes aux multiples identités (Françoise Brion). Un beau jour, elle disparaît et notre homme va tenter de la retrouver par tous les moyens. Sans dévoiler tous les tenants et aboutissants de l'histoire, on peut penser que cette femme n'est autre que l'image de sa propre mort. Chez Robbe-Grillet, la mort n'existe pas vraiment (Olga Georges-Picot revient alors qu'elle est censée avoir été assassinée dans Glissements progressifs du plaisir) mais plane toujours sur les personnages, surtout dans La belle captive (avec cette femme sur sa moto comme « ange de la mort ») ou C'est Gradiva qui vous appelle qui évoque un peu la structure de L'immortelle. Une fois de plus, la boucle est bouclée !
Narration : A partir de Trans-Europ-Express, Alain Robbe-Grillet ne s'intéresse plus à ce que raconte les films mais au qui raconte . Dans ce film, il se met lui-même en scène comme narrateur omniscient qui se laisse peu à peu dépasser par ses propres créatures qui finissent par mener le bal des fantasmes. Dans L'homme qui ment, Trintignant joue le rôle du narrateur mais ses incessants mensonges finissent par brouiller les pistes quand le spectateur les visualise : sommes-nous dans la réalité ou dans l'univers mental de ce menteur ? L'Eden et après et N a pris les dés sont de constants jeux avec la narration et de « duels » entre narrateurs différents, que ce soit les étudiants qui fantasment des saynètes fantaisistes ou cet homme plus âgé (Pierre Zimmer) qui semble les embarquer dans des mises en scène beaucoup plus complexes tout en prenant l'ascendant sur le groupe. Dans Le jeu avec le feu et C'est Gradiva qui vous appelle, Noiret et Dombasle jouent à la fois le rôle de narrateur (on les voit écrire leurs mémoires) et des personnages fictifs de leurs propres fictions. Finalement, ce qui caractérise le cinéma de Robbe-Grillet, c'est le refus absolu d'un narrateur « deus ex machina » : partant toujours d'intrigues banales relevant des ficelles les plus éculées des genres (l'espionnage dans Trans-Europ-Express, le récit de guerre dans L'homme qui ment, l'enquête policière dans Glissements progressifs du plaisir...), Robbe-Grillet déconstruit ces récits pour en faire de véritables labyrinthes mentaux où la fiction est sans arrêt brouillée par les fantasmes, les mensonges, les rêves
Organisations secrètes : Si le narrateur omniscient disparaît chez Robbe-Grillet, de mystérieuses organisations semblent souvent tirer les ficelles du jeu. L'homme plus âgé de L'Eden et après semble prendre le contrôle du groupe d'étudiants mais il est supplanté par un autre metteur en scène (celui qui lance les dés) dans N a pris les dés. Dans ses derniers films, de mystérieuses organisations semblent tirer les ficelles du récit : commanditer des enlèvements de jeunes filles dans Le jeu avec le feu, porter un pli à un comte dans La belle captive ou aider le critique d'art à trouver des dessins inédits de Delacroix dans C'est Gradiva qui vous appelle.
Peinture : A partir du moment où il va tourner en couleurs (il débute en 1970 avec L'Eden et après), Robbe-Grillet va soigner la dimension « picturale » de ses œuvres. Dans ce film, le café est composé de parois coulissantes peintes comme des toiles de Mondrian et le cinéaste nous propose également une amusante et « littérale » citation du Nu descendant l'escalier de Marcel Duchamp. Dans Glissements progressifs du plaisir, on reconnaît des références à Hans Bellmer (la poupée désarticulée qui revient comme un motif récurrent) et à Yves Klein (la sublime Anicée Alvina réalise une sorte d' « anthropométrie rouge » sur un mur immaculé). La belle captive est un hommage à une toile de Magritte et c'est à Delacroix qu'il se réfère dans C'est Gradiva qui vous appelle.
Pornographie : Il est très instructif d'entendre parler Robbe-Grillet dans les suppléments de ces DVD (il s'entretient longuement avec Frédéric Taddeï). Quand les deux hommes évoquent la question de la pornographie, le cinéaste confesse son peu d'intérêt pour le genre en affirmant avec justesse que ces films « manquent de perversion ». Au « trop de réalité » de la représentation sexuelle crue, il préfère la souveraineté sans limite du fantasme. L'érotisme chez Robbe-Grillet se limite souvent à la nudité de ses interprètes féminines et à la composition de tableaux figés, froids, distanciés. Si les femmes de ses films sont, la plupart du temps, absolument sublimes (Françoise Brion, Marie-France Pisier, Catherine Jourdan, Anicée Alvina...), leurs postures immobiles empêchent toute sensualité. Et même si le cinéaste ose aller parfois assez loin dans la représentation (cette femme avec un chien en train de la lécher entre les jambes dans Le jeu avec le feu), son cinéma reste avant tout cérébral. D'où sans doute une part du malentendu à l'endroit de son œuvre : trop dénudée pour attirer un large public pensant avoir affaire à des films « érotiques » (ils étaient souvent interdits aux moins de 18 ans) et trop intellectuelle et distanciée pour pouvoir séduire les amateurs du genre. Pour la petite histoire, notons qu'Alain Robbe-Grillet a fait appel, dans C'est Gradiva qui vous appelle à Danny Verissimo, comédienne qui débuta dans le porno sous le nom d'Ally Mac Tyana.
Psychologie : Comme dans ses romans, l'auteur rompt avec les principes de la psychologie balzacienne. Ses films sont dénués de toute psychologie et n'offrent pas les repères habituels des films classiques pour s'identifier aux personnages.
Rêve : Difficile de définir dans les films de Robbe-Grillet ce qui relève du fantasme et ce qui relève du rêve. Néanmoins, dansLa belle captive, le film semble être construit comme une série de rêves emboîtés comme des poupées russes (on voit le personnage qui se réveille en sueur après certains tableaux). Dans C'est Gradiva qui vous appelle, Arielle Dombasle raconte qu'elle est « comédienne de rêves » et se livre à une mémorable tirade contre « la police des rêves » qui cherche absolument à les réglementer et à interdire leurs manifestations les plus osées.
Surréalisme : Le « Nouveau Roman » est un mouvement littéraire qui n'a strictement rien à voir avec le surréalisme. Pourtant, Robbe-Grillet s'en rapproche parfois avec son œuvre cinématographique. Outre les références à Bellmer, Glissements progressifs du plaisir et ses tableaux sadiques relèvent de l'imaginaire surréaliste et de son combat contre toutes les instances oppressives : la police, la magistrature, la religion... La belle captive joue sur de nombreuses références à l’œuvre en trompe-l’œil de René Magritte. Quant à C'est Gradiva qui vous appelle, il se réfère explicitement au mythe cher aux surréaliste de Gradiva de Jensen, à savoir la fascination d'un homme pour une femme qui lui vient en rêve et qu'il croise en se rendant sur les lieux de son rêve.
Torture : Un des motifs récurrent de Glissements progressifs du plaisir, du Jeu avec le feu et de C'est Gradiva qui vous appelle.
Un bruit qui rend fou : Seul film de Robbe-Grillet absent de cette « intégrale ».
Vampirisme : Dans La belle captive, le cinéaste mêle érotisme et vampirisme. La mystérieuse femme (Gabrielle Lazure) dont tombe amoureux le héros est une espèce de vampire qui l'embarque dans des aventures oniriques.
Verre (brisé): Un des motifs visuels préférés de Robbe-Grillet : le verre qui vole en éclats.
Voyeurisme (et point de vue) : Dans L'immortelle, les deux personnages semblent toujours vivre sous le regard des autres. Robbe-Grillet adopte globalement un « point de vue « décentré » : ce qui est vécu par les personnages n'est peut-être que la projection d'un regard extérieur. Il existe chez ces personnages une véritables pulsion « scopique » qui les pousse à « voir » toujours plus. Trintignant compulse frénétiquement une revue érotique dans Trans-Europ Express, Anicée Alvina pousse de nombreuses portes pour observer des tableaux vivants... En plus des références picturales, le théâtralité est une dimension importante du cinéma de Robbe-Grillet : on observe des gens sur des scènes (la chanteuse de L'immortelle, le strip-tease d'une fille du Crazy Horse à la fin de Trans-Europ-Express, les représentations d'après des tableaux de Delacroix dans C'est Gradiva qui vous appelle...). Pour qu'il y ait fiction, il faut à la fois quelqu'un qui est regardé et un voyeur (avatar possible du narrateur) qui observe...
Photographies : capture DVD Carlotta films