Espion(s) (2008) de Nicolas Saada avec Guillaume Canet, Géraldine Pailhas, Hippolyte Girardot

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La tradition des anciens rédacteurs des Cahiers du cinéma passant à la réalisation ne semble décidément pas se perdre. Alors que je découvre aujourd’hui le premier long-métrage de Nicolas Saada sortent en salle les deuxièmes films de Thierry Jousse (Je suis un no man’s land) et de Cédric Anger (L’avocat). Mais tandis que les « anciens » s’inscrivaient immédiatement dans le créneau d’un cinéma d’auteur assez confidentiel  (sans même parler des films de Jean-Claude Biette ou d’Alain Bergala, songeons au premier film d’Assayas –Désordre- ou à celui de Danièle Dubroux – Les amants terribles-) ; nos jeunes anciens critiques visent désormais un cinéma « du centre », à la fois populaire (tradition du cinéma de genre, vedettes, moyens confortables) et néanmoins « griffé » (ils ne jouent pas dans la même catégorie que les productions Besson).

 

Avec Espion(s), Nicolas Saada s’inscrit d’emblée dans la tradition du thriller hitchcockien auquel il redonne quelques couleurs « modernes » (il est question d’attentats terroristes). La première séquence évoque bien évidemment La mort aux trousses puisqu’un modeste bagagiste (Guillaume Canet) va se retrouver embarqué dans une rocambolesque histoire d’espionnage après avoir voulu ouvrir une valise diplomatique. Comme chez le « maître du suspense », le point de départ (cette valise ) n’est qu’un MacGuffin qui va lui permettre de tisser les fils d’un récit mêlant action, suspense et histoire d’amour.

Soyons honnête : si le film est assez agréable à regarder, l’accueil dithyrambique de la presse laisse un peu perplexe (allez voir les notes sur Allociné, c’est hallucinant !). Nicolas Saada possède indéniablement un savoir-faire et il connaît bien ses classiques. Son scénario est habilement troussé et on se laisse volontiers prendre dans les méandres d’un récit assez complexe (un des charmes du cinéma d’espionnage est justement de se retrouver un peu perdu et de ne plus savoir qui tire les ficelles) qui toujours retombe sur ses pieds.

Néanmoins, il faut aussi convenir que les scènes d’action pure sont un peu faiblardes (jamais les Français pourront faire aussi bien que les Américains) et que son film reste un exercice de style manquant un peu d’ampleur. De plus, mais je concède volontiers qu’il s’agit là d’un jugement très subjectif, je trouve que Guillaume Canet a le charisme d’un beignet et j’avoue n’avoir jamais été touché par son personnage (n’est pas Cary Grant qui veut !).

C’est dommage car l’aspect le plus intéressant d’Espion(s) est bien évidemment l’histoire sentimentale en demi-teinte qui se noue entre Vincent (Canet) et Claire (Géraldine Pailhas). Le cinéaste parvient à composer de jolies variations sur le thème de la dissimulation en laissant deviner la manière dont de véritables sentiments peuvent naître alors que la situation est totalement factice (l’espion cherchant à séduire la jolie femme mariée pour lui soutirer des informations). Face à Canet, Géraldine Pailhas se révèle être (ce n’est pas la première fois) une excellente comédienne en incarnant cette femme fragile et installée socialement qui, peu à peu, se laisse envahir par des sentiments qu’elle refoule puis accepte. Avec une rare sobriété, elle parvient à suggérer le trouble qui la gagne dans un premier temps puis la douleur d’avoir été trompée avant de réaliser que les sentiments de Vincent n’étaient peut-être pas truqués.

Cette thématique du faux-semblant, où le récit d’espionnage devient une véritable métaphore de la dissimulation des sentiments, est bien évidemment hitchcockienne et l’on pense à des films comme Soupçons ou surtout à ce génialissime chef-d’œuvre qu’est Notorious (Les enchaînés).  De la même manière, Saada s’amuse à parsemer son film de petites références au maître, notamment avec une histoire de portrait peint et de musée qui renvoie à Vertigo.

 

Encore une fois, l’exercice de style est habile et agréable mais de là à crier au chef-d’œuvre, c’est un peu exagéré et ça n’est pas rendre service au cinéaste. Laissons-lui le temps d’affermir son style et peut-être que nous tiendrons là un digne successeur des grands maîtres du genre…

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