Bilan 2010
Voici donc arrivée l’heure du traditionnel bilan de fin d’année. Pour 2010, je retiendrais donc ces 10 films :
http://www.critique-film.fr
1er Vous allez rencontrer un bel et sombre inconnu (Woody Allen)
2ème Oncle Boonmee (Apichatpong Weerasethakul)
3ème A serious man (Ethan et Joël Coen)
4ème Film socialisme (Jean-Luc Godard)
5ème Shutter Island (Martin Scorsese)
6ème Mother (Bong Joon-Ho)
7ème Le soldat dieu (Koji Wakamatsu)
8ème Tournée (Mathieu Amalric)
9ème The social network (David Fincher)
10ème Les femmes de mes amis (Hong Sang-Soo)
Pourquoi Woody Allen encore une fois, quitte à froisser l’une de mes jeunes lectrices qui ne devrait pas hésiter à se manifester (Mégane, je te souhaite une excellente année) ? Etablir un classement de ce genre relève toujours de l’exercice de style périlleux et consiste à réunir dans une même liste des œuvres souvent très différentes. Comment choisir, par exemple, dans un éventuel « top 10 » littéraire, entre un roman de Balzac, de Joyce ou une bande dessinée de Trondheim ? Qui sélectionner, dans une catégorie « musique » entre une symphonie de Beethoven et n’importe quel chef-d’œuvre du jazz, du rock ou de la chanson ? Bref, s’agit-il de distinguer les « meilleurs » films ou nos films « préférés » ? On va me dire que je joue sur les mots mais faites votre examen de conscience : l’histoire du cinéma ne regorge t-elle pas de « chefs-d’œuvre » objectifs que vous admirez sans avoir pourtant la moindre envie de les revoir un jour ? (pour ma part, j’admire les monuments de Griffith ou Eisenstein mais il ne me viendrait pas à l’idée de les regarder tous les soirs !)
Alors oui ! Vous allez rencontrer un bel et sombre inconnu est sans doute moins novateur et original que Oncle Boonmee ou Film socialisme et n’a sans doute pas la force de frappe des films de Bong Joon-Ho ou Wakamatsu, ni même le brio des films de Fincher ou des Coen. Et pourtant, quand j’y resonge, c’est le seul film que j’aurais pu revoir immédiatement après avoir quitté la salle ou qui aurait pu durer une heure de plus sans que je m’en offusque. Pour son talent romanesque, sa capacité à faire exister d’emblée des personnages, pour son humour et sa mélancolie, Woody méritait une fois de plus de décrocher la timbale !
A part ça, quel bilan tirer de l’année 2010.
Prix d’interprétation masculine :
Saluons le retour de Depardieu en grande forme dans Mammuth (Kervern, Delépine) et primons Jesse Eisenberg pour sa prestation dans The social network.
Prix d’interprétation féminine :
http://photo.parismatch.com
Beaucoup plus difficile à déterminer tant l’année 2010 reste pour moi pleine de présences féminines très fortes, de la joyeuse troupe de Mathieu Amalric (Tournée) à la solitude de Monica del Carmen dans Année bissextile en passant par la vénus hottentote de Kéchiche (Yahima Torres). Décernons un prix collectif selon les « âges » et distinguons les deux sensibles adolescentes de Civeyrac (Elise Lhomeau et Léa Tissier dans Des filles en noir), l’épouse dévouée du « soldat dieu » (Shinobu Terajima), la mère aveuglée de Bong Joon-Ho ( Kim Hye-Ja) et la grand-mère de Lee Chang-Dong (Yoon Jung-Hu dans Poetry).
Plus gros choc de l’année 2010 :
La découverte de 11 films de Koji Wakamatsu dont ces sommets que constituent Quand l’embryon part braconner, Sex Jack, L’extase des anges, Naked bullet ou Le soldat dieu.
Grands classiques, reconnus par tous, enfin découverts en 2010
Le jugement des flèches (Fuller)
Yoyo (Pierre Etaix)
L’impasse tragique et Le carrefour de la mort (Henry Hathaway)
L’obsédé (William Wyler)
Et pour faire plaisir à Vincent (ou le faire hurler !), trois chefs-d’œuvre de John Ford :
L’homme qui tua Liberty Valance
La chevauchée fantastique
Le convoi des braves
Quelques merveilles découvertes également cette année, moins renommées, mais qui continuent de « travailler » dans mon esprit :
Le révélateur et Le lit de la vierge (Philippe Garrel)
Amours décolorées (Gérard Courant)
La campagne de Cicéron (Jacques Davila)
Messiah of evil (Willard Huyck)
Le monde sur le fil (Rainer Werner Fassbinder)
Et peut-être le plus étonnant de tous :
Valérie au pays des merveilles de Jaromil Jires
Prix Christophe Bier pour distinguer de –eh oui ça existe !- bons films pornographiques découverts cette année :
Odyssey (the ultimate trip) et The devil in Miss Jones de Gerard Damiano
Amours collectives et Entrez vite… vite, je mouille de Jean-Pierre Bouyxou
Ils vieillissent fort bien, merci pour eux :
Solo (Jean-Pierre Mocky)
L’heure du loup (Ingmar Bergman)
La vie sexuelle des Belges (Jan Bucquoy)
Valse avec Bachir (Ari Folman)
(Réévalués à la hausse cette année)
Pire film de l’année :
Les petits ruisseaux de Pascal Rabaté, heureusement découvert en DVD.
Il a tourné deux films cette année mais, après m’être fait avoir pour le premier, je ne suis pas aller voir le second.
François Ozon (Le refuge)
Tout le monde aime mais moi, décidément non !
Des hommes et des dieux (Xavier Beauvois)
Film le plus surestimé de l’année :
White Material (Claire Denis)
Prix Marc-Edouard Nabe du cinéaste devenu le plus infréquentable et que je persiste à aimer beaucoup parce qu’il fait grincer les dents des bien-pensants :
Gaspard Noé pour Enter the void
Prix Michel Onfray du cinéaste jadis aimé mais qui ne fait plus que ressasser et semble atteint de sénilité précoce :
Pascal Thomas pour Ensemble, nous allons vivre une très, très grande histoire d’amour (Gageons que ce n’est qu’une baisse régime provisoire)
Prix Michel Houellebecq du cinéaste ayant commencé de manière percutante et revenant en grande forme après une inquiétante baisse de régime (flopée de films moyens ou médiocres pour l’un, grimaces médiatiques et conversations avec BHL pour l’autre !)
Bertrand Blier pour Le bruit des glaçons.
Grands (ou bons) cinéastes ayant besoin d’une cure de repos :
Francis Ford Coppola (Tetro)
Tim Burton (Alice au pays des merveilles)
Film le plus vite oublié de 2010 :
Le mariage à trois de Jacques Doillon (Tiens ! Jacques Doillon a fait un film cette année !)
Les meilleurs films de 2010 pour les autres mais je ne les ai pas vus :
-Another year (Mike Leigh)
-Policier, adjectif (Corneliu Porumbolu)
-Toy story 3 (Lee Unkrich)
Regrets de ne pas les avoir vus en 2010 :
-Les mystères de Lisbonne (Ruiz)
-Lola (Brillante Mendoza)
-Bad lieutenant, escale à la Nouvelle-Orléans (Herzog)
Je ne regrette pas de les avoir manqués en 2010 :
-Potiche (Ozon)
-La princesse de Montpensier (Tavernier)
-Copie conforme (Kiarostami)
-Rubber (Quentin Dupieux)
-L’homme au bain (Honoré)
Prix du cinéaste hyper-hollywoodien professionnel :
Gérard Courant.
On admire que des cinéastes comme Kitano ou Ozon aient pu tourner deux films cette année mais Courant a réalisé 12 longs-métrages en 2010 sans compter ses compressions, ses courts et la continuation de ses séries en cours. Et comme il a, une fois de plus, filmé de nombreuses personnalités cette année (Isabelle Huppert, Bulle Ogier, Serge Toubiana, Ingrid Caven, Dominique Noguez, Joseph Morder, Orlan, Luc Moullet, Ming, Jack Lang, Nicolas Sarkozy, Krzystoff Zanussi, Olivier Maulin, Basile de Koch et même notre ami Vincent), il mérite plus que tout ce titre hautement convoité !
Plus belle rencontre de 2010 :
Pour le coup, l’année fut très riche puisque j’ai eu le plaisir de voir et d’écouter Andrzej Wajda, Jean-Pierre Mocky, Albert Serra, Souleymane Cissé et Pierre Etaix.
Pire séance de cinéma de 2010
Ma première tentative pour aller voir Le soldat dieu : près d’une heure de marche dans le froid et la neige pour m’entendre dire que la copie n’était pas arrivée pour cause d’intempéries !
J’aurais voulu les aimer plus :
Bright star (Jane Campion)
The ghost writer (Roman Polanski)
Vénus noire (Abdellatif Kéchiche)
Je pensais l'aimer moins :
Le bruit des glaçons (Blier)
Grands éclats de rire de l’année :
Pierre Etaix, of course (Yoyo, Tant qu’on a la santé) + un accessit pour l’hilarant La vie sexuelle des Belges de Jan Bucquoy.
Torrents de larmes 2010 :
Le premier film vu l’an passé : Paramatta, bagne de femmes de Douglas Sirk
Meilleurs DVD :
Wakamatsu chez Blaq Out, Straub volume 5 chez Montparnasse, David Williams chez ED Distribution, Le monde sur le fil (Fassbinder) et La campagne de Cicéron (Davila) chez Carlotta et Valérie au pays des merveilles (Jires) chez Malavida.
Meilleurs livres sur le cinéma.
Sade et le cinéma de Jacques Zimmer (La musardine) auquel il faut ajouter deux indispensables rééditions :
Nicolas Stanzick : Dans les griffes de la Hammer (Le bord de l’eau)
Dominique Noguez : Eloge du cinéma expérimental (Paris expérimental)
L’année 2010 fut particulièrement rude en terme de disparitions (Eric Rohmer, Werner Schroeter, Claude Chabrol, Arthur Penn, Blake Edwards, Jean Rollin, Joe Sarno, Mario Monicelli pour ne citer que ceux qui me viennent immédiatement à l’esprit).
Espérons que 2011 soit moins noire et je souhaite à tous les lecteurs réguliers ou occasionnels de ce blog une excellente et très heureuse année.