Chronique d'un amour naissant
Une histoire d’amour suédoise (1970) de Roy Andersson avec Ann-Sofie Kylin
Je n’avais jamais vu un seul film de Roy Andersson jusqu’à présent. Finalement, ce n’est peut-être pas une mauvaise chose que de commencer par cette œuvre de jeunesse inédite en France pendant près de 38 ans et qui tranche avec l’image de marque associée désormais au cinéaste (les longs plans-séquences en forme de tableaux de Chansons du deuxième étage et de Nous, les vivants).
Une histoire d’amour suédoise s’inscrit davantage dans la tradition de la chronique impressionniste, le cinéaste décrivant avec une certaine justesse la naissance du sentiment amoureux chez deux adolescents (Pär à 15 ans et Annika à peine 14).
Bizarrement, alors que je suis plutôt sensible à ce genre de films, j’avoue que celui de Roy Andersson ne m’a pas convaincu.
J’admets qu’il y a de jolis moments, comme ces jeux de regards qu’échangent les futurs amoureux lors de la première séquence où leurs familles respectives se côtoient à la campagne sans se connaître. D’une manière générale, quand le cinéaste oublie le monde environnant et se concentre sur son couple, le film devient plus intéressant et séduisant. Avec un tact certain, il parvient parfaitement à traduire la naissance du désir et les sentiments troubles qui peuvent naître à cet âge là lorsqu’on bénéficie de quelques moments d’intimité (la plus belle séquence du film est indéniablement celle où Pär va s’installer chez Annika lorsque ses parents s’en vont).
Malheureusement, Andersson veut greffer d’autres éléments sur cette chronique d’un amour naissant. Le voilà donc qui propose des portraits un peu rapides de la jeunesse suédoise désoeuvrée de l’époque, glandouillant sur leurs mobylettes et fumant cigarettes sur cigarettes pour se donner une contenance « d’homme » avant de traîner son ennui dans de vagues discothèques.
A cela s’ajoute les adultes que le cinéaste filme toujours « borderline » : grands-pères abandonnés de tous, hommes en crise (« j’ai gâché 45 ans de ma vie » !) ou femmes désespérément seules : le tableau que dresse Andersson est noir et contraste avec le bonheur éphémère des jeunes amoureux.
Tout cela n’est sans doute pas faux mais s’imbrique mal : le film traîne sur deux heures de temps (pourquoi est-il si long, alors que les premiers Forman auxquels on songe parfois ne duraient qu’1h 20 ?) et peine à faire exister ses personnages.
Il y a quelque chose d’un peu malhabile dans la narration : même l’histoire d’amour principale n’est pas tellement bien amenée. Une fois les choses concrétisées, le cinéaste arrive à faire exister un peu son couple d’ados alors que les autres personnages apparaissent soit comme inexistants (les bandes de jeunes qui vivotent autour de Pär et Annika), soit comme plaqués et artificiels (ces adultes qui lestent de tout leur poids un film qui aurait pu –dû- être léger).
Il manque à Une histoire d’amour suédoise une grâce et une légèreté que l’on ne retrouve que par instants, le temps de quelques séquences qui apportent un peu d’éclat à un ensemble malheureusement un peu terne…