Cinéma(ra)t(h)on : J-10
Cinématon 241-270 (1982) de Gérard Courant
Galaxie Barbouth Cinématon n°264
Dussé-je frustrer quelques une de mes chères lectrices avides de beautés viriles dévoilées (comme la remarquable Fred), j’ai préféré illustrer le résumé de cette 10ème étape de mon marathon par la bonne bouille hilare de la jeune Galaxie Barbouth (n°264) plutôt que par les fesses velues de Jakobois (n°251).
Ces deux portraits devenus célèbres dans l’histoire de Cinématon furent bien évidemment les temps forts de cette journée.
Jakobois, on le sait, commence par prendre sa température sous la langue avant de mimer une masturbation (?) pour finir par reprendre sa température à la manière française en présentant son séant en gros plan à la caméra ! Au-delà de la provocation évidente du personnage, ce Cinématon montre que les artistes de performance et les plasticiens sont souvent les plus imaginatifs pour « scénariser » leurs portraits et en faire de véritables happenings. On peut le constater une nouvelle fois avec César Cofone (n°252) qui arrache quelques bouts de peau (?) de son front et parvient à faire de son visage (par sa coupe de cheveux, la manière dont il place ses mains devant son œil…) un vrai paysage plastique et géométrique.
Dans un genre beaucoup moins « trash » que Jakobois mais néanmoins un peu « sale », nous pouvons également raccrocher le portrait du cinéaste Jean-Claude Réminiac (n°259) qui se sert de ses trois minutes pour se mettre ostensiblement les doigts dans le nez !
Avec Galaxie Barbouth, Courant joue sur du velours. Outre qu’un bébé suscite immédiatement la sympathie du public, la jeune modèle (Courant la filmera encore quatre fois par la suite et c’est elle qui incarnera la petite fille espiègle de L’arbre, le maire et la médiathèque de Rohmer) fait un « numéro » remarquable puisqu’elle commence à offrir un sourire irrésistible avant de régurgiter et de laisser passer dans son regard toute l’incompréhension dont peut faire preuve un bébé face au monde qui l’entoure. Une fois de plus, le hasard a bien fait les choses !
Les enfants sont de bons clients pour les Cinématons. Moins connu que celui de la jeune Galaxie, le portrait d’une écolière hongroise Réka Gyöngyössy (n°253) m’a semblé admirable. Peut-être tout simplement parce que la lumière naturelle qui tombe sur un arrière-plan de verdure est très belle et qu’elle donne au portrait de cette fillette qui se coiffe avec un grand sourire la grâce d’une toile impressionniste (ô Degas !). J’ignore en revanche si elle a par la suite fait des films !
D’une manière générale, les trois portraits chaleureux tournés à Budapest m’ont beaucoup plus séduit que ceux un peu ternes tournés à Edimbourg (seul le cinéaste Michael Oblowitz, n°243, tire son épingle du jeu en sortant du champ et en s’emparant de la caméra de Courant pour recadrer des éléments du paysage et zoomer à tout va).
Au niveau des personnalités, le coureur de fond peut croiser deux critiques des Cahiers du cinéma qui deviendront par la suite cinéastes : le troisième « Serge » de la bande, à savoir Le Péron (n°257) et Danièle Dubroux (n°258) qui semble très inquiète de la couleur de son nez en ce froid mois de novembre.
Un grand plaisir pervers fut également la découverte du portrait du comédien Sylvain Green, inénarrable héros des plus grands nanars signés Michel Vocoret ou Max Pécas. Il s’échine ici à cabotiner le plus possible mais réalise avec horreur que trois minutes, c’est très long. Du coup, son visage laisse transparaître autre chose et c’est assez beau. On réalise aussi qu’il n’est pas si mauvais comédien que ça et que dans le style, il s’en tire beaucoup mieux que d’autre (j’ai le souvenir d’un numéro fort fastidieux de Farid Chopel, par exemple).
Est-ce que Cinématon pourrait renseigner le spectateur sur ce qu’il n’aime pas, en règle générale, au cinéma ? La question m’est venue à l’esprit en voyant le portrait de la psychologue Anne Lindenmeyer (n°256). Elle fixe la caméra, immobile, jusqu’au moment où son nez se met à couler et que des larmes perlent de ses yeux. A cet instant, j’aurais dû être ému sauf que j’ai tout de suite eu l’impression d’une émotion « psychologique », qu’elle n’était pas vécue mais jouée. La douleur ne se présente pas avec son incroyable violence (on en reparlera avec le très beau portrait de Frédéric Mitterrand) mais elle est le fruit d’une élaboration psychologique comme dans la majeure partie du cinéma actuel. Ce que je supposais finit d’ailleurs par arriver : la modèle finit par sourire et lancer de nombreux clins d’œil aux spectateurs.
Peut-on parler d’un Cinématon de « Qualité Française » ?