Cinéma(ra)t(h)on : J-105
Cinématon 2401-2430 (2011) de Gérard Courant
Sheila Baldago-Tobias Cinématon n°2406
J'évoquais lors de ma dernière note les apparitions « hitchcockiennes » que faisait Gérard Courant dans certains Cinématons tournés à Dubaï. Or cette nouvelle étape débute par le portrait d'Erfan Rashid (n°2401), cinéaste et critique irakien, qui pose devant un mur où sont accrochées... plusieurs photos de l'auteur de Cœur bleu.
Le critique libanais Hauvick Habéchian (n°2402) est beaucoup plus agité : il se colle un cintre dans le dos et montre à l'écran toute une série d'objets plus ou moins incongrus : un appareil photo, une balle de golf, une souris (d'ordinateur), une télécommande et même... un préservatif (ce qui tendrait à prouver que les festivals restent des lieux privilégiés pour les rencontres galantes!)
Lorsque est arrivé le tour du cinéaste Javier Ideami (n°2404), c'est au jeu des ressemblances que je me suis livré. Tandis que je prétendais voir chez cet homme un petit air de Bernard Menez (jeune!), une voix contradictoire est venue m'affirmer qu'il ressemblait davantage à Lorànt Deutsch (« quand il fait sa tête d'abruti ») voire à Stan Laurel. La question reste donc ouverte !
Avec la jolie Sheila Baldago-Toblas (n°2406), Cinématon entre dans l'ère des réseaux sociaux. La jeune femme commence par se mettre du rouge à lèvres puis se prend en photo avec son smartphone. Ensuite, elle montre à la caméra qu'elle est en train de partager cette photo sur son profil Facebook. Belle idée, donc, que de confronter deux durées contradictoires : le temps suspendu du Cinématon et la célérité de l'information à l'heure des nouvelles technologies.
Deux portraits de femmes vont jouer de manière assez fine sur la dialectique du caché/montré. Les deux sont émiraties mais l'une est modèle (Zahra Ahmed, n°2409) tandis que l'autre est cinéaste et productrice (Nayla Al Khaja n°2411). La première apparaît d'une façon qui évoque immédiatement ce que l'on peut penser d'une femme des émirats, figée et avec le voile. Sauf qu'à bien y regarder, on constate que la jeune femme laisse ostensiblement dépasser ses cheveux (le voile devient davantage un ustensile de séduction plutôt qu'une marque de soumission) et qu'elle est maquillée comme une voiture volée. Nayla Al Khaja apparaît d'abord de dos et le spectateur ne voit qu'un grand voile noir (on pense qu'il s'agit d'une niqab). Puis elle sort du champ et revient de face : on constate qu'elle aussi laisse dépasser ses cheveux. Enfin, elle quitte à nouveau le cadre et revient sans son voile, laissant éclater sa beauté.
La fin des portraits tournés à Dubaï (fin provisoire) est plus conventionnelle. Les comédiens koweïtiens jouent avec leur bouche : Moos (n°2413) présente à la caméra une langue de taille considérable tandis que Monira Al Qadiri (n°2414) fait de grands mouvements de bouche au ralenti. La marocaine Houda Erry (n°2415) joue les cantatrices et comme le film est muet, on a le sentiment de voir un plan expressionniste venu des premiers Werner Schroeter ! Le voyage se termine par la danse du cinéaste soudanais Amjad Abu Al-Ala (n°2420).
Retour en France chez Alain Paucard avec le portrait d'une jolie peintre Marie Morane (n°2421). Si on peut oublier les deux portraits immobiles de deux vidéastes (Fiona Lindron n°2424 et Esther Hoareau n°2425), un peu décevants dans la mesure où l'une est aussi plasticienne et que cette « profession » a souvent fait preuve d'originalité ; on signalera que l'un des plus beaux Cinématon du lot est celui de la correctrice Jeanne Labourel (n°2426). Celle-ci joue avec une série de cartons et commence par un « Ceci est une femme ». Ensuite, elle prend les « poses » indiquées par les cartons (« femme au chapeau n°1 », « femme qui lit Marguerite Yourcenar »...)...L'un des derniers cartons est « femme nue » suivi immédiatement par un autre carton « vous y avez cru, hein » qui m'a bien fait rire.
Après ce portrait très réussi, le libraire Gildas Bouillaud (n°2427) lit un ouvrage de Pierre Louÿs (ce qui témoigne d'un goût certain!) et s'envoie une belle rasade de whisky (ce qui paraît normal chez Alain Paucard).
La série se termine par un autre joli portrait, celui de Fatima Bakadar (n°2430) qui apparaît à l'image entre deux écrans noirs dans la mesure où elle passe son temps à éteindre et allumer la lampe qui éclaire la pièce...