Cinématon 281- 300 (1983) de Gérard Courant

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Jean-Pierre Bouyxou Cinématon n°288

 

Au bout de 12 jours, me voilà donc arrivé à la borne 300 du film. C’est à la fois assez satisfaisant mais en même temps très effrayant lorsque je songe qu’il m’en reste encore plus de 2000 !

L’un des plus beaux du jour fut sans doute celui de Frédéric Mitterrand (n°291) qui se contente de fixer la caméra mais qui laisse transparaître une douleur et une émotion (on le sent parfois au bord des larmes lorsque le bas de son visage frémit imperceptiblement) non jouées. Voilà l’exemple opposé de l’émotion factice et « psychologique » d’Anne Lindenmeyer : Mitterrand se met à nu devant la caméra et se laisse submerger par une émotion que n’est pourtant jamais exhibée. Même si je ne partage pas ses opinions politiques, cet homme est sans doute le seul pour lequel j’ai un peu d’estime au sein de notre actuel gouvernement. Je ne comprends d’ailleurs pas pourquoi il a accepté de s’acoquiner avec cette bande de voyous incultes qui sont parvenus à le transformer en couard (voir ses lamentables retournements de veste dans les affaires Polanski puis Céline) !

Dans la lignée de ce portrait sensible, citons également celui de Laszlo Szabo (n°282) qui a l’air tout triste et perdu dans ses pensées.

 

A l’opposé de ces Cinématons mélancoliques, nous avons pris un grand plaisir à revoir pour la quatrième fois le portrait débridé et rigolard de l’ami Jean-Pierre Bouyxou (n°288). Ecoutons Courant : « En trois minutes et demie, il a le temps de : 1) mettre un disque ; 2) montrer des photos pornos[1] ; 3) fumer un joint ; 4) « sniffer » une ligne de cocaïne ; 5) enlever ses lunettes ; 6) tousser énergiquement ; 7) sortir de ses poches une garde-robe de dessous féminins ; 8) se coiffer d’un slip de femme sur la tête ; 9) manger un sandwich de petites culottes. » On l’aura constaté, ça n’est plus un Cinématon, c’est une superproduction !

Dans la foulée, la belle Monika Swuine (n°289) se fait filmer devant son miroir et entame un ballet assez beau avec son reflet : cherchez la femme derrière toutes ces images !

 

Quand Frank Dubosc tourne dans ma rue (ceux qui me suivent sur Twitter ne l’ignorent plus !), la circulation est modifiée et tout le monde s’éclipse pour laisser le film se tourner. Lorsque le cinéaste Peter Kubelka (n°295) se fait filmer par Courant dans un lieu de passage, c’est lui qui doit s’écarter pour laisser passer des badauds. Outre ce petit détail assez piquant (la « vedette » de cinéma qui se pousse pour laisser passer des anonymes), ce portrait dénote dans la série car il m’a semblé beaucoup plus court que les autres. Après vérification, il ne dure que deux minutes : le dogme du Cinématon de trois minutes et demie n’est donc pas immuable !

 

Terminons par un Cinématon qui ne paye pas de mine mais que j’ai trouvé très amusant. Il s’agit de celui de Françoise Cartier (n°296), directrice de galerie. A priori, rien de renversant dans le portrait de cette femme qui se contente de fixer la caméra. Sauf que dans ses larges lunettes, on voit se refléter le cinéaste qui laisse sa caméra tourner et qui se sauve. Par la grâce de ce contrechamp inopportun, le spectateur saisit assez bien le désarroi qui se lit dans les yeux du modèle : que faire ? Qu’exprimer lorsqu’on se retrouve seule face à une caméra. Un peu avant la fin du film, on aperçoit le reflet de Courant revenant faire un point sur l’avancée de la pellicule et c’est alors que se dessine sur le visage de Françoise Cartier un grand sourire : ouf ! Il est revenu ! Sauf qu’il s’agissait d’une fausse alerte et qu’il repart, laissant l’actrice à un malaise à nouveau palpable. Lorsque le cinéaste refera son apparition à la toute fin, on reverra alors sur les lèvres de cette femme un sourire qui pourrait bien vouloir dire :

« Toi, tu m’as bien eue ! »…   



[1] Celle qu’on voit le mieux est tirée de la version « hard » de Lèvres de sang de Jean Rollin.

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