Cinématon 391-420 (1984) de Gérard Courant

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Bertrand Cantat Cinématon n°415

 

Catastrophe ! Alors que je m’apprêtais à suivre bien sagement l’étape du jour en introduisant le DVD contenant les numéros 361-390, je me suis aperçu qu’il s’agissait en fait des numéros 811-840 ! Il y a donc un « trou » dans mon intégrale ! Que faire ? Faire une pause et attendre patiemment de recevoir ces Cinématons manquants ou poursuivre vaillamment ma route, quitte à revenir sur l’étape le temps d’un flash-back ? C’est cette solution que j’ai privilégiée.

Je vous invite donc à faire un petit saut dans le temps et nous voilà fin 1984, entre Valence et Bordeaux.

De la Drôme, Gérard Courant rapporte deux très beaux portraits : celui de l’écrivain Gabriel Matzneff (n°393) qui semble apeuré de se retrouver face à une caméra et qui offre une image à la fois fébrile et sensible, et celui du grand cinéaste suisse Alain Tanner (n°396) qui la joue d’abord à la Pialat avec des lunettes de soleil (même barbe, même fixité sévère) avant de sortir du champ pendant un court moment.

Après deux portraits tournés dans le train Paris-Bordeaux (qu’est devenue la lycéenne Gwenaëlle Salaün n°398 et son joli visage mis en valeur par les variations de lumière dues à la marche du train ?), nous voilà en Gironde.   

Le portrait le plus marquant de ce séjour bordelais (je parle en terme de « notoriété » et non pas en terme de réussite du film) est assurément celui de Bertrand Cantat (n°415). Difficile, en effet, d’imaginer que ce jeune homme de 20 ans qui s’agite devant la caméra et qui d’ailleurs n’est pas très bon, allait devenir par la suite le leader charismatique d’un des plus grands groupes (le plus grand ?) de rock français de tous les temps et un phare pour toute une génération ! Gérard Courant a vraiment le don pour dénicher les futures vedettes avant qu’elles éclosent (Sandrine Bonnaire, Julie Delpy, Isild le Besco, Cantat…)

Beaucoup de Cinématons ont été tournés au même endroit, devant le même motif croisillon au mur. C’est peut-être pour cette raison qu’on distinguera le très réussi portrait du programmateur de films Philippe Guillot (n°416). Le film débute effectivement de manière très insolite puisqu’il s’agit d’un plan d’ensemble sur un quai bordelais. Cette espèce de « vue Lumière » qui dure sans que rien ne se passe commence par intriguer. Au bout de deux minutes, on réalise qu’une silhouette est en train de marcher vers nous. Il s’agit bien de Guillot qui, au terme d’une très longue marche, arrive en gros plan face à l’objectif. L’idée est tellement bonne que j’ai regardé le film à l’envers pour réaliser (je n’avais pas fait attention au départ) qu’on peut le voir (c’est un tout petit point à l’horizon) dès le début. Comme quoi, toutes les échelles de plan sont finalement envisageables dans un Cinématon !

 

Je ne sais pas s’il faisait chaud à Bordeaux à cette époque de l’année mais toujours est-il que l’étape fut marquée par un certain nombre de « strip-teases ». Côté masculin, ce sont Jean-François Garsi (n°405) et le cinéaste et poète américain James Broughton (n°409) qui tombent la chemise et se font filmer « torse nu » (les guillemets sont de rigueur dans la mesure où il s’agit d’un gros plan et que ces « modèles » n’esquisseront pas le mouvement permettant de voir leurs torses !). Côté féminin, c’est la piquante attachée de presse Zette Kraiser (n°401) qui s’y colle. Malgré ses grosses lunettes de soleil, elle prouvera qu’elle n’a pas froid aux yeux en enlevant gracieusement ses effets et en osant ensuite se lever pour présenter sa jolie poitrine au public.

 

Peut-on dire que Cinématon est un film « personnel » dans la mesure où Courant s’efface devant les modèles filmés (sa caméra reste fixe, il n’intervient pas pendant le tournage) ? La réponse est bien évidemment « oui ». D’une part, parce que tous ces portraits sont datés précisément et renseignent sur les déplacements du cinéaste, à la manière d’un journal intime. D’autre part parce que Courant apparaît souvent à l’image. Je ne le signale pas à chaque fois mais il n’est pas rare de voir le cinéaste se refléter dans des miroirs, des vitres ou dans des lunettes de soleil (il faudrait un jour se pencher sur les raisons qui font que les lunettes de soleil sont, avec l’inévitable cigarette, l’accessoire le plus utilisé dans Cinématon !) des modèles. Et quand ils ne s’adressent pas directement à lui, certains « cinématonés » (comme le critique Michel Célémenski (n°395) ou la journaliste Maryse Vavasseur (n°397)) n’hésitent pas à le prendre en photo.

Cinématon est donc aussi un miroir…

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