Cinéma(ra)t(h)on : J-18
Cinématon 361-390 (1984) de Gérard Courant
Julie Delpy Cinématon n°376
Gérard Courant n’a pas traîné pour m’envoyer en urgence la série manquante de ses Cinématons : qu’il en soit chaleureusement remercié. L’heure du flash-back est donc venue et nous voilà revenus au mois de septembre 1984.
Pour être honnête, cette étape ne fut pas inoubliable et c’est un portrait que je connaissais déjà qui m’a le plus marqué, à savoir celui de Julie Delpy (n°376). L’actrice n’a alors que 14 ans et tourne son premier film avec Jean-Luc Godard (Détective). Sublime petit ange blond, elle montre déjà une grande aptitude à poser comme une vraie comédienne. Mais elle ne maîtrise pas encore totalement son image et le dispositif mis en place par le cinéaste l’oblige à laisser échapper des bribes de vérité derrière son joli masque. Le petit rictus crispé et timide qu’elle affiche parfois est tout simplement irrésistible !
J’évoquais il y a quelques temps le danger des Cinématons « psychologiques ». Or pour la première fois, nous avons également eu droit à un Cinématon « militant » presque aussi excitant que les « fictions de gauche » d’un Boisset ou d’un Petri (c’est dire !). Pourtant, la journaliste Anne de la Celle (n°378) débute d’abord en montrant son chat (vu le succès de l’animal au temps d’Internet, c’est curieux qu’il ne soit pas apparu plus tôt ! Est-ce pour cette raison que Courant inaugurera une série à part intitulé Cinématou ?) et ne semble pas menaçante. Puis voilà qu’elle sort ses cartons et se présente comme une défenseuse de la cause tibétaine et des droits de l’homme. Nous ne voyons rien à redire à cet engagement mais, comme toujours, le militantisme est plutôt ennuyeux lorsqu’il se mêle à l’art. Du coup, on regarde avec un ennui poli défiler les photos du Dalaï-lama et l’on ne reprend intérêt à la chose que lorsque le modèle profite de son film pour faire sa déclaration d’amour. Nous la préférons sur ce registre là !
La première personne qui profite de son Cinématon pour se maquiller (fond de teint, rouge à lèvres, perruque…) est… un homme ! Il s’agit du décorateur de théâtre Christian Siret (n°382) qui ne mérite d’être cité que pour cette performance (le portrait n’est pas transcendant !).
Il ne reste alors que quelques grands noms de la critique pour attirer l’attention dans cette étape un peu tristounette. On regarde avec plaisir le portrait bonhomme de l’indispensable historien du cinéma Raymond Chirat (n°387), celui du séducteur Fabrice Revault d’Allones (n°388) et son regard bleu ou encore de Claude Beylie (n°366) qui s’amuse avec de la pellicule.
Le portrait le plus intéressant de ces critiques est sans doute celui de Rui Noguera (n°369) qui profite de son temps pour déchirer ce qu’il n’aime pas (des exemplaires du journal La Suisse) et montrer à la caméra ce qu’il aime (des photos où l’on reconnaît Wayne, Bogart, Godard, Fassbinder, Huston…).
J’en connais un qui, près de 25 ans plus tard, aura recours à ce concept pour composer son propre Cinématon mais nous reparlerons de cette histoire en temps voulu…