Cinématon 541-560 (1985) de Gérard Courant

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Florence Jaugey Cinématon n°560

 

Dans le livre Cinématon, Gérard Courant se montre assez sévère à l’égard de la comédienne (et désormais cinéaste) Florence Jaugey (n°560) puisqu’il écrit :

 

« Elle adore toute image d’elle-même, elle aime être regardée. Elle imagine que la perfection des rapports humains tient à cette prééminence du regard de l’autre : elle avait amené une petite cour ».

 

Cette volonté d’attirer tous les regards produit néanmoins un portrait assez magnétique qui met un joli point final à un parcours classique, sans véritables surprises. Florence Jaugey est la première à véritablement endosser le rôle de « femme fatale » : épaules nues, fume-cigarette et longs gants noirs. Elle joue aux cartes nonchalamment et laisse habilement planer un doute dans l’esprit du spectateur : que porte-t-elle en dessous de ce cadre qui lui coupe le cou ? A la fin du film, emportant la mise (forcément !), elle se lève et fourre les billets gagnés dans sa guêpière noire sous l’œil médusé (on le devine !) de l’assistance. Sans rien montrer, la belle parvient à réaliser le premier véritable Cinématon « érotique » de la série.

 

En dehors de ce coup d’éclat, je diviserais volontiers les portraits de cette étape en deux catégories : les gravures de mode et les cabots.

Dans la première catégorie, le cinéaste Jean-Louis Daniel (n°541), avec les vagues savantes qui composent sa chevelure blonde et sa façon de se mettre des gouttes dans les yeux pour rendre leur bleu encore plus éclatant, semble vraiment tourner une publicité pour une marque de shampoing. Michel Mavros (n°544) en fait un peu moins, se contentant d’afficher un sourire séducteur qui le fait ressembler à un mélange improbable entre Bernard Giraudeau et un acteur de Santa Barbara. A son propos, Gérard Courant écrivait tout simplement :

« Dans la salle, les femmes applaudissent ».

Mes lectrices me pardonneront d’avoir choisi une icône féminine pour illustrer cette note : c’est juste de la pure jalousie !

 

Côté cabots, j’ai déjà évoqué ici le Cinématon de Farid Chopel (n°550) que je trouve assez raté. Le comédien n’était pas antipathique (j’ai un bon souvenir de sa prestation dans Sac de nœuds de Balasko) mais il est ici assez mauvais, en faisant des tonnes alors que le dispositif requiert une certaine sobriété à moins d’avoir un véritable tempérament burlesque (Cf. Noël Godin). Plus amusant est le numéro de grimaces, de tics et de mimiques de Christian Sinniger (n°547) dont le visage fait preuve d’une élasticité assez stupéfiante. Le portrait est encore plus piquant lorsqu’on réalise après-coup (ce fut mon cas) qu’il s’agit de l’acteur qui interprète le rôle du père dans… Film socialisme de Godard ! 

 

Le reste de l’étape nous a offert son lot de portraits (relativement) sobres, notamment lors d’une longue soirée à Noisiel où l’on croise un Pierre-André Boutang (n°545) ronchonchon.

Le seul qui tente un petit « scénario » est le cinéaste et co-fondateur de la revue Ça/Cinéma Joël Farges (n°559) qui prend des polaroïds de Gérard Courant et leur donne comme légende :

« Tel est pris qui croyait prendre »…

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