Cinématon 571-600 (1985) de Gérard Courant

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Vincent B. Cinématon n°583

 

L’étape du jour fut marquée dans un premier temps par le séjour qu’effectua Courant à Munich au mois de juillet 1985. Ce voyage permet à la fois aux spectateurs de croiser tout le gratin bavarois et de réaliser une fois de plus que le modèle allemand est toujours un peu tristounet. Les Cinématons de nos voisins d’Outre-rhin sont le plus souvent sérieux et austères et ça n’est pas Volker Schlöndorff (n°572) en train de cuisiner ou les époux Kluge (Alexander, n°573 et Dagmar, n°574) qui parviendront à nous décrisper les zygomatiques (et je ne parle même pas des personnalités moins connues, joyeuses comme des portes de prison !). La plus intéressante est peut-être Margarethe Von Trotta (n°576) qui joue la carte du bras de fer avec la caméra et qui la fixe sans bouger (ou presque) avec une intensité qui rappelle le beau portrait de Robert Kramer.

Le retour à Paris s’avère plus « joyeux » et offre l’occasion de se confronter à nouveau à des plasticiens. Il est d’ailleurs amusant de constater à quel point les artistes aiment à jouer autour de la symbolique du masque. Le russe Tolsty (n°584) se peint le visage en blanc et rouge, finissant avec un véritable visage de clown. Férid Khalifat (n°587) dissimule sa figure sous un collant et révèle peu à peu quelques parties de son visage (nez, oreilles…) en le découpant  avec un rasoir (le collant, pas son visage !). Le plus original est sans doute Didier Chenu (n°586) qui, devant la circulation de la place de la Concorde, joue avec des feux d’artifices qui finissent par cacher son visage en obscurcissant la plaque de plastique transparent qu’il tient devant lui. Cette plaque lui servira ensuite de support pour improviser une « œuvre » colorée à base de taches de peinture.

Bizarrement, c’est encore une fois dans la deuxième dizaine de portraits de la série qu’on trouve les choses les plus réussies. J’aime assez le Cinématon du critique Jean-Louis Manceau (n°580) qui profite de son temps à l’image pour évoquer, par le biais de cartons, l’évolution du… cinéma tchèque du fameux « printemps » de 1968 à 1985 ! (Manceau a l’air sceptique quant aux œuvres de Jaromil Jires mais c’est sans doute qu’il n’avait pas vu Valérie aux pays des merveilles !).

A force de grimaces et de parfait mauvais goût, Vincent B (n°583) parvient à être drôle. Précisons que notre homme se fait filmer sur le trône : je vous laisse le soin d’imaginer ce qu’il peut bien « mimer » avec ses grimaces !

La dernière partie du parcours fut moins marquante. A peine peut-on citer le cinéaste belge Thierry Zeno, n°596 (et oui, encore un belge qui se fait remarquer !) qui dissimule peu à peu sa figure derrière des bandes de papiers adhésifs qu’il colle devant la caméra.

Enfin, nous avons terminé par le portrait de Patrick Poivre d’Arvor (n°600) qui procèdera de la même manière dans son deuxième Cinématon : se présenter à la caméra, affirmer grâce à un carton qu’il n’est pas intéressant de le regarder pendant trois minutes et demie, sortir du champ (il laisse le spectateur contempler la mer mais elle est surexposée) avant de revenir quelques secondes avant la fin.

De manière assez habile, il résume le dilemme de la plupart des modèles pris dans les mailles du dispositif : un désir de se dévoiler au moins égal à celui de se cacher…  

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