Cinématon 631-660 (1985) de Gérard Courant

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Gérard Vaugeois Cinématon n°634

 

Henri Langlois prétendait que les bases du langage cinématographique se trouvaient déjà en substance dans les vues Lumière. Ainsi, il voyait déjà dans L’arrivée du train en gare de La Ciotat toute la gamme de l’échelle des plans (du plan d’ensemble au gros plan).

Le Cinématon de Marcel Jean (n°640) interroge à sa manière cette notion ambiguë d’échelle des plans. Le film débute, effectivement, en plan de demi ensemble (un personnage en pied dans une partie d’un décor urbain). Le critique et écrivain avance vers la caméra, traverse une rue et vient s’asseoir, en gros plan, devant l’objectif. Le cadre est resté fixe et, pourtant, l’échelle des plans a varié, sans recours au montage. Preuve une fois de plus que la mise en scène au cinéma dépend surtout d’un point de vue sur le Réel et d’une façon de construire un espace où faire évoluer les êtres et les choses.

Par ailleurs, ce très beau portrait montre également la popularité croissante de Cinématon qui commence à être « cité » directement : Marcel Jean prend un journal, montre un article des pages culturelles intitulé Courant à contre-courant puis présente à la caméra différentes photos extraites des plus fameux Cinématons (Godard, Sollers, Losey…).

Il s’agit d’ailleurs du deuxième film « réflexif » de l’étape puisque Gérard Vaugeois[1], n°634, procède de la même manière ou presque. Le film est tourné face à un miroir, laissant apparaître la caméra Super 8 de Courant et son visage tandis que Vaugeois montre… des photos tirées de Cinématon (Losey, Pialat, Bonnaire, Astruc…). Peut-on parler, avec ces deux exemples, de Cinématons « maniéristes » ?

 

Cette étape fut marquée par un coup dur pour notre ego de marathonien. Nous croisâmes à la borne n°647 une charmante jeune fille nommée Liika que Gérard Courant immortalisa comme une collègue « cinémarathonienne ». Sauf qu’à l’inverse du pitoyable sportif que je suis, la jeune fille a regardé sans interruption les 42 premières heures de Cinématon ! Elle méritait donc bien sa place dans Le livre des record et je me demande ce qu’a bien pu devenir cette coureuse hors pair !

 

Se déroulant principalement à Montréal, notre course du jour nous a permis de revoir le cinéaste Barbet Schroeder, n°651, allongé à même le sol tandis qu’un complice brise à quelques centimètres de son visage un néon. C’est aussi avec une certaine émotion qu’on découvre le grand cinéaste canadien Claude Jutra, n°652, atteint de la maladie d’Alzheimer qui le poussera à se suicider un an plus tard. Pourtant, ce portrait réalisé sous le soleil d’octobre se révèle plutôt joyeux et même presque burlesque.

J’ai également été touché par le portrait du philosophe Mikel Dufrenne, n°650, rendu fort beau par les variations de lumières qui plongent parfois son visage dans l’obscurité puis le révèle, presque  surexposé, lorsque le soleil a fini de faire cache-cache avec les nuages.

 

Vous souvenez-vous du jeune homme qui rencontrait le trio mythique des Valseuses et qui était le premier à être capable de faire jouir Miou-Miou ? Et bien ce jeune homme, c’était Jacques Chailleux que l’on retrouve le temps d’un portrait sobre mais intéressant (le numéro 631).

Signalons pour les cinéphiles, en guise de conclusion, que cette étape nous a permis de découvrir le visage du cinéaste Luc Béraud (n°659), auteur de La tortue sur le dos et reconverti depuis les années 2000 (même s’il y a débuté avant) dans la réalisation de téléfilms…

 

NB : Le témoignage de Chantal Junius se trouve dans la rubrique commentaires ici



[1] Il exploitait alors la mythique salle Studio 43 où étaient régulièrement diffusés les films de Gérard Courant

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