Cinématon 661-669 (1985) de Gérard Courant

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Jean-Paul Aron Cinématon n°661

 

Se jeter dans le long fleuve Cinématon, c’est se confronter à tous les types humains imaginables : les femmes côtoient les hommes, les enfants font un bout de chemin avec de respectables vieillards ; les timides succèdent aux extravertis, les flegmatiques aux agités. Et il faudrait évidemment citer toutes les nationalités qui défilèrent et continuent de défiler devant la caméra de Gérard Courant. Il est bien évident que des inégalités se révèlent parfois criantes, que certains sont photogéniques et d’autres pas. Cela peut sembler un peu cruel, par exemple, de passer du physique ingrat de Jean-Paul Aron, n°661 au joli minois de l’étudiante Valérie Berthelin (n°663). Et pourtant, le dispositif rigoureux et implacable mis en place par le cinéaste permet d’arrondir les angles, d’offrir la possibilité au spectateur de regarder un visage autrement que comme le masque social qu’il est souvent. Comme le chantait Serge Gainsbourg, Cinématon prouve que « la beauté cachée des laids se voit sans délai ». Et Aron ne s’y est pas trompé, lui qui déclarait :

 

« A ma connaissance, mon Cinématonest l’image la plus fidèle et la plus authentique que l’on ait faite de moi. Ni la télévision avec son cortège d’assistants, ni le cinéma, avec ses impressionnants moyens techniques ne sont arrivés à une telle intensité et à une telle vérité. »

 

Courant ne donne pas à regarder, il donne à voir et parvient à cerner quelque chose de la personnalité du modèle qui dépasse son apparence physique, sa couleur de peau ou son âge. Comme l’écrivait également Dominique Noguez, les Cinématons sont des « écoles de tolérance. Car quiconque peut regarder en durée réelle, avec un minimum d’attention, trois minutes du visage de tant d’individus divers ne peut être ou demeurer raciste ni tout à fait misanthrope. »

 

Pour conclure cette petite étape que j’ai arbitrairement arrêté à la fin 1985, signalons que c’est le cinéaste John Berry qui hérite du nombre biblique de la Bête (n°666). Espérons que ça ne lui a pas porté préjudice

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