Cinéma(ra)t(h)on : J-35
Cinématon 751-780 (1986) de Gérard Courant
Charlotte Véry Cinématon n°765
Après un arrêt momentanée de ma course en raison du festival du film policier de Beaune, me voilà repartit en petites foulées. L’étape du jour nous donna l’occasion de traverser trois festivals : Laon, Digne et Cannes.
Je me suis déjà fâché avec mes amis poitevins alors je vais essayer d’être diplomate mais reconnaissons que l’étape picarde ne nous a guère enthousiasmé ! Même si certains profitent de beaux décors (la cathédrale gothique, bien entendu), force est de constater que ces portraits sont pour la plupart aussi enthousiasmants qu’un dimanche de pluie… en Picardie (« Venez respirez le grand air, derrière la centrale nucléaire »)
Pourtant, certains noms ne nous étaient pas totalement inconnus, que ça soit les critiques de cinéma Raymond Lefèvre (n°755) ou Daniel Sauvaget (n°763) ou encore le cinéaste danois Bille August (n°761) qui n’avait alors pas empoché deux palmes d’or à Cannes.
Les deux festivals suivants débutèrent de la même manière, à savoir par un portrait d’étudiante allemande (Anne Rüsing, n°766 et Denise Wilcke, n°769). Les deux films ne font pas mentir la réputation d’une austérité teutonne à son zénith ici.
Nous retiendrons du court séjour à Digne le très beau Cinématon de Marianne Basler (n°768) : extrêmement photogénique, la comédienne a également le bon goût de poser devant un joli cours d’eau qui donne au film une teinte romantique et mélancolique.
Anticipons un peu les choses : le festival de Cannes 1986 sera une excellente moisson pour Gérard Courant et l’on verra lors des prochains jours un nombre impressionnant de vedettes défiler devant sa caméra. Pour l’heure, on débute la grande messe annuelle pianissimo avec un Gérard Lefort (n°772) qui lutte contre le soleil qu’il a dans les yeux et la délicieuse Isabel Otero (n°775) qui affiche un sourire à faire fondre la banquise.
Nous l’avons souvent remarqué : il n’est pas rare que Gérard Courant filme de futures stars avant qu’elles soient révélées. Or il se passe un peu l’inverse en ce début de festival de Cannes. Le cinéaste parvient à immortaliser certains de ses collègues qui débutèrent à peu près au même moment que lui (Bernard Dubois, n°770, totalement immobile ; Pascal Kané, n°780, lézardant au soleil en maillot de bain) ou un peu plus tard (Aline Isserman, n°771, très « femme fatale ») et qui ont tous peu ou prou disparus de la circulation alors que la critique avait placé quelques espoirs en eux.
Dans cette catégorie, on peut également citer l’actrice et réalisatrice Virginie Thévenet (n°778) qui nous offre un portrait plein de charme et qui nous fait regretter de ne plus avoir de ses nouvelles.
Avec Virginie Thévenet, Courant continue sa « collection » (le mot est un peu cavalier, j’espère qu’on me le pardonnera) de comédiennes rohmériennes. Nous en avons croisé trois pendant cette étape, même si l’adorable Charlotte Véry (n°765) n’avait toujours pas tourné sous sa direction (il faudra encore attendre quelques années pour qu’elle devienne l’inoubliable héroïne de Conte d’hiver). Elle se fait filmer devant un feu d’artifice (de salon !) qui confère à son portrait un caractère…explosif (on l’a sent parfois un peu inquiète).
Avant, nous aurons retrouvé Béatrice Romand (n°764) le temps du Cinématon le plus frustrant de tous. En effet, l’actrice se fait tirer le portrait…sous sa douche ! Mais la caméra de Courant ne cille pas et reste de marbre devant la « bathing beauty » dont elle n’immortalise que le visage, au grand désespoir du spectateur. Plus sérieusement et mises à part ces libidineuses considérations, le film est très réussi car il se dégage une étrange alchimie de l’eau qui coule sur ce ravissant visage et du caractère intime de la situation. Un Cinématon comme une vérité arrachée au fil du temps.
Charlotte Véry et Béatrice Romand sont les seuls portraits de l’étape du jour « hors festivals ». Or il se trouve qu’une autre coquine, à Cannes, va nous infliger le même supplice que la belle Béatrice. Il s’agit de la scénariste Jane Piot (n°779) qui se fait filmer dans une piscine, nageant visiblement sans « haut ». Mais là encore, la « cinématée » effectuera un savant jeu de cache-cache avec le spectateur et ne lui dévoilera rien.
Peut-être parce que la suggestion est, finalement, l’essence même de l’érotisme…