Cinématon 101-130 (1980-1981) de Gérard Courant

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Jean-Luc Godard Cinématon n°106

 

La quatrième étape de ce marathon fut, bien évidemment, marquée par la rencontre inéluctable avec « l’arbre » qui cache la forêt des Cinématons. Je veux parler, bien entendu, du portrait n°106, appelé à devenir le plus célèbre de tous puisque Courant a fixé sur pellicule les traits de Jean-Luc Godard au festival de Berlin. Contentons-nous de lui laisser la parole :

« Je le réveillai dans sa chambre d’hôtel. « Tu peux me filmer maintenant », me dit-il en robe de chambre et les cheveux hirsutes. Je répondis : « Plus tard ». Une heure après, ma caméra tournait pendant qu’il signait le contrat de vente de Sauve qui peut (la vie) à un distributeur allemand. »

Godard ne « fait rien » durant ce Cinématon mais, comme je le disais dans ma note précédente, il fait partie de ces personnalités qui peuvent se contenter de leur présence pour capter l’attention. Est-ce dû à sa stature internationale ? A son aura personnelle ? Toujours est-il qu’après l’avoir vu cinq ou six fois, ce portrait reste toujours aussi fascinant.

Il ne doit pas faire oublier pour autant la « forêt » environnante et cette nouvelle salve de Cinématons, marquée par trois festivals (Berlin, Digne, Cannes) s’est révélée tout à fait passionnante même si l’on constate l’absence totale de portrait « scénarisé ». Le photographe Jean-Pierre Jolly (n°116) n’a beau offrir à la caméra de Courant que son reflet dans un miroir, il n’en restera pas moins impassible, ne jouant pas avec ce dispositif.

L’absence d’ « action » n’est pas synonyme de Cinématons ratés. Au contraire, Courant nous offre ici une série de très beaux portraits.

Au festival de Berlin, ce sont des cinéastes de statures internationales qui se prêtent au jeu. Outre Godard, il faut citer l’exemple du juvénile (il n’a alors « que » 72 ans !) Manoel de Oliveira (n°102) dont le visage, filmé à côté d’une fenêtre, a des allures de statue marmoréenne sous l’effet d’une belle lumière matinale d’hiver.  Nous croiserons également le cinéaste indien Mrinal Sen (n°114), ours d’argent cette année-là pour son film A la recherche de la famine, ou encore Derek Jarman (n°105), cinéaste britannique excentrique (on lui doit un film entièrement tourné en… latin ! –Sebastiane-) dont on réédite en ce moment en DVD le Edward II.

A Digne, Courant croise le chemin de trois grands noms du cinéma expérimental ou indépendant. Paul Sharits (n°120), qui imprime à ses yeux un lent mouvement de rotation dans leurs orbites ; l’immense Steve Dwoskin (n°121) qui ne fait « rien » mais dont le visage dégage une incroyable lumière et Robert Kramer (n°122), qui entreprend un jeu classique du Cinématon, à savoir le « bras de fer » avec la caméra. Le cinéaste la fixe sans ciller mais il ne parviendra pas à l’emporter : il finit cet intense portrait en fermant les yeux. 

A Cannes, ce sont moins les cinéastes rencontrés qui marquent le marathonien (même si Merzak Allouache, n°128, ressemble un peu à Bruno Carette avec des cheveux plus longs et le teint plus foncé !)  que les deux derniers comédiens dont il croise le chemin.

Lou Castel (n°129) et Hélène Mignot (n°130) n’en font pas plus que les cinéastes cités jusqu’alors mais il ne se contentent pas d’être : on sent que leur métier les pousse à tenir la pose et, d’une certaine manière, à « jouer ». C’est particulièrement flagrant avec Lou Castel qui pose de trois-quarts devant la mer, les cheveux au vent et achève l’exercice de séduction en fixant la caméra au bout de trois minutes. Un bel exemple du métier d’acteur !

A suivre…

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