Cinéma(ra)t(h)on : J-48
Cinématon 971-990 (1987) de Gérard Courant
Alain Chabat Cinématon n°976
Comme je le disais lors de ma précédente note, Gérard Courant fréquente beaucoup à cette époque les couloirs de Canal + grâce à l’un des fondateurs de la chaîne et responsable des programmes courts Alain Burosse (n°973) qui se fait filmer devant un écran de télévision diffusant Jason et les argonautes de Don Chaffey (on reconnaît l’attaque des squelettes animée par le maître Ray Harryhausen). Gérard Courant raconte (voir ici) qu’en plus de diffuser régulièrement des Cinématons sur la chaîne, Burosse tenait à sa disposition un petit studio où il pouvait filmer à loisir les personnalités présentes lors de diverses fêtes ou événements (le n°300 d’Hara-kiri, par exemple) organisés dans les locaux de Canal +.
L’étape du jour nous a permis de revoir toutes les figures de ce moment « historique » de la chaîne qui a depuis perdu toute sa singularité. On reconnaît un Michel Denisot (n°974) qui se la joue nabab en fumant un gros barreau de chaise et un Philippe Gildas (n°982) farceur, qui fait beaucoup de grimaces (il soupire, fait mine de s’endormir, fronce les sourcils…) en lisant un bouquin d’Yvette Horner. Le futur présentateur de Nulle part ailleurs (lui aussi fumant un gros cigare) s’avère assez mauvais comédien mais offre un visage plutôt sympathique.
Courant ne néglige pas de filmer ceux qui font vivre la chaîne derrière les caméras, que ce soit le directeur du département cinéma René Bonnell (n°989), qui présente de bonnes vieilles VHS à l’objectif ou l’auteur de sketches Alexandre Pesle (n°981) dont le visage n’est plus aujourd’hui parfaitement inconnu (après vérification, il s’avère qu’il a fait l’acteur dans la série Caméra café).
Mais le « gros morceau » de l’étape, c’est bien entendu l’arrivée en force du groupe « Les Nuls » dans Cinématon. Le plus réussi des quatre portraits, c’est celui d’Alain Chabat (n°976), non seulement parce qu’il est drôle mais parce qu’il révèle mieux que beaucoup d’autres le caractère véritablement diabolique du dispositif. Dans un premier temps, le comédien contrôle parfaitement son portrait et improvise un petit sketch. Il commence par boire une bouteille d’eau d’un litre et demi (!) en un temps qui force le respect. Le peu qu’il reste au fond de ladite bouteille, il se le verse sur la tête. Et c’est là que le film devient génial car il reste encore du temps et l’on sent que Chabat ne sait plus quoi faire. Le masque du clown se fissure et il offre de beaux moments de vérité à la caméra même s’il trouve d’autres parades pour se donner contenance (s’essuyer frénétiquement le visage, se repeigner d’un geste exagéré…).
Moins réussi, le regretté Bruno Carette (n°979) se contente d’afficher un double visage. Pendant la majeure partie de son temps, il prend un air hébété et affiche un regard bovin et une bouche pendante qui le font ressembler à un professeur d’EPS. Au dernier moment, il se reprend et se montre alors sous un jour meilleur, sourire de séducteur et œillade de velours.
Chantal Lauby (n°977) joue d’abord les indifférentes (elle fait comme si la caméra n’était pas là) avant de feindre l’agacement et de soupirer avec ostentation lorsqu’elle constate qu’on la filme.
Quant à Dominique Farrugia (n°980), il fait mine de jouer de la batterie pendant plus de trois minutes avec un air benêt. Au bout d’un moment, il semble se fatiguer et il faut bien avouer qu’il nous fatigue aussi un peu !
Petite curiosité : au milieu de ces quatre portraits s’est glissé celui de Christian Borde (n°978), présenté comme un des auteurs des sketches du groupe. Or lorsqu’il dévoile son visage en ôtant une large capuche, on réalise que notre homme a fait du chemin puisqu’il s’agit de…Jules-Edouard Moustic ! Il effectue ici une petite pantomime avec un faux cheveu pas forcément hilarante ni du meilleur goût mais assez réussie…