Cinématon 1021-1050 (1988) de Gérard Courant

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Jean-Luc Delarue Cinématon n°1035

 

Lors de la nuit du 20 au 21 mars, Gérard Courant a tout simplement tourné 20 Cinématons ! A y regarder de près, cette possibilité d’avoir accès à une sorte de petit « studio » dans les locaux de Canal + fut à la fois une manne (il suffisait alors de « cueillir » les invités célèbres de diverses fêtes pour les placer devant la caméra) mais eut également quelques effets pervers.

En les découvrant à la suite, on a effectivement un peu le sentiment d’un « travail à la chaîne » parfois moins « frais » que les films tournés au hasard des rencontres. Le dispositif rigoureux et minimaliste de Cinématon vire dans ce cas précis à une sorte de jansénisme puisque les invités se font tous filmer devant le même mur nu et se retrouve en quelque sorte coincés dans un environnement qui n’est pas le leur.

Est-ce pour cette raison que les premiers filmés de cette série cherchent à s’en tirer par des grimaces ? (le couturier Paolo Calia, n°1021, le mannequin Eléonore Le Monnier, n°1022 etc.). Mis à part le portrait du un peu plus célèbre Marc Esposito (n°1023, alors simplement critique à Première), c’est celui de la chanteuse portugaise Ghilda De Palma (n°1027) qui séduit le plus. Souriante, elle effectue une petite « chorégraphie » assez sensuelle et parvient à occuper parfaitement son « espace-temps ». C’est d’ailleurs ce Cinématon dont Gérard Courant choisira de montrer le « making-of » dans son carnet filmé L’artifice et le factice

Dans la nuit du 17 au 18 juin 1988, le cinéaste va remettre ça et réaliser douze portraits. Pas de noms véritablement connus dans cette série, si l’on excepte le stoïque Claude Duty (n°1044), dont on attend des nouvelles depuis ses deux premiers longs-métrages (Filles perdues, cheveux gras et Bienvenue au gîte). L’exiguïté des lieux fait que les modèles cherchent à meubler leur temps comme ils peuvent et l’on en voit qui s’amusent à faire éclater des ballons gonflables avec leurs cigarettes (François Ode, n°1047 ; Elodie Perrier, n°1050).

 

L’étape du jour nous a permis de croiser le chemin de deux spécialistes de la télévision et de la radio, les « journalistes » Pierre Bouteiller (n°1034) et Jean-Luc Delarue (n°1035). Leur point commun à tous les deux est cette incroyable suffisance qui se dégage de leurs portrais respectifs. On sait qu’un Cinématon agit toujours comme révélateur et c’est ici assez flagrant : Bouteiller a cet air hautain et condescendant qu’il affichait en recevant Courant à la télévision tandis que Delarue ne se prend pas pour la moitié d’une m… lorsqu’il tente d’attraper au vol (avec sa bouche) une cigarette qu’il n’arrête pas de manquer.

 

Hors du studio improvisé dans les couloirs de Canal +, certains Cinématons séduisent par leur décor, notamment ceux tournés sur les bords de la Seine, par un beau soleil de printemps.

 

Les plus remarquables de cette série sont les numéros 1036 à 1039. On débute par le journaliste Xavier Raufer (n°1036) dont le visage est d’abord entièrement masqué par un keffieh et qui brandit soudain un revolver qu’il a préalablement assemblé en visant la caméra. On comprend le sens de son geste lorsqu’il présente ensuite le livre qu’il vient d’écrire, consacré au terrorisme au Moyen-Orient. Il peut alors quitter l’univers de son essai et dévoiler un visage souriant et rougissant.

L’écrivain Alain Demouzon (n°1037) présente lui aussi la couverture de son livre et s’en sert pour se confectionner un masque (avec un cutter, il découpe des trous à la place des yeux et de la bouche).

Le plasticien G.Bosé (n°1038) joue une fois de plus sur la dialectique du « montrer/cacher ». Il place ses mains devant son visage tout au long de son portrait et se contente de les abaisser l’une et l’autre à tour de rôle pour dévoiler des petites parcelles de sa figure.

Enfin, posant devant une bibliothèque, l’écrivain Patrick Delaunay (n°1039) présente un certain nombre d’ouvrages à la caméra (beaucoup de littérature américaine : Bukowski, Henry Miller, Chester Himes, Jim Harrison…) et me fait réaliser alors mon manque d’originalité !    

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