Cinématon 1171-1200 (1990) de Gérard Courant


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Else Gabriel Cinématon n°1180

 

J’ignore si Canal + avait organisé un quelconque évènement suite à la chute du mur de Berlin mais toujours est-il que les 20 et 21 janvier 1990, Gérard Courant va filmer une palanquée d’artistes (photographes, peintres, performers, dessinateurs…) venus d’Allemagne et majoritairement d’Allemagne de l’Est. Ce sera d’ailleurs pour le cinéaste une des dernières occasions qu’il aura d’écrire « RDA » sur ses cartons introductifs lorsqu’il s’agit de présenter l’origine de la personne filmée.

Je vous ai déjà soufflé que les Cinématons allemands n’étaient pas les plus enjoués. Et le fait que les modèles viennent de l’Allemagne de l’Est ne change rien à l’affaire. De plus, Courant les filme dans son studio improvisé dans les locaux de Canal +. Du coup, cette étape fut très rude, nous contraignant à contempler une série de portraits monacaux se succédant sur le même fond blanc. Le pire, c’est sans aucun doute cette lumière très crue qui baigne tous les portraits et qui semble même éblouir les personnalités filmées. Comme la plupart ont le teint très clair et les yeux bleus, ce fond blanc couplé à cette lumière impitoyable ne font que souligner les défauts des visages et leur donnent un caractère systématiquement blafard.

A tel point qu’on est soulagé de voir le Cinématon du peintre Hanns Schmansky (n°1185), car même s’il se trouve visiblement dans le même lieu et qui ne se départit pas de cette proverbiale austérité teutonne ; il fait éteindre les lumières et se fait éclairer, de biais, par un soleil de janvier qui ne révèle que la moitié de son visage (l’autre restant plongée dans l’ombre). Le résultat est beaucoup plus « esthétique ».

 

Le coureur de fond finit par tellement saturer de ce fond blanc qu’il pousse un soupir de soulagement lorsque les lieux des tournages finissent par changer, même si le modèle est un commissaire-priseur portant un nom à coucher dehors (Pierre Cornette de Saint-Cyr, n°1196). Posant devant une toile, notre homme montre à la caméra un tableau, un dessin et un masque en laissant supposer au spectateur qu’il s’agit peut-être des objets d’une future mise aux enchères.

La journaliste Isabelle Pénuchot (n°1197) joue également avec beaucoup d’objet, dans un décor intérieur plutôt chaleureux  (fini cette lumière blanche d’hôpital !). Elle se cache le visage avec un masque, un éventail (accessoire peu utilisé, bizarrement), un pot de fleurs (des tulipes, me semble-t-il) puis les cartes d’un jeu de tarot qu’elle lance en direction de la caméra. Il s’agissait sans doute pour ce modèle de prédire un bel avenir à Cinématon !

 

Finalement, de cette longue série « est-allemande »[1] (33 films !), un seul portrait parvient à véritablement retenir l’attention, peut-être parce que la « performer » Else Gabriel (n°1180) en rajoute dans le sordide et le glauque. Sur ce fond blanc, elle pose le visage maculé de farine et semble être couverte de tâches de sang, comme si elle sortait d’un accident de voiture. L’air hébété, elle se tourne de profil pour montrer aux spectateurs qu’un rat est en train de se balader dans sa chevelure ! La demoiselle inaugure en quelque sorte le premier  Cinématon gothique du lot et elle n’aurait pas dépareillé dans un film de Tim Burton !  



[1] Ceux qui ne sont pas allemands sont soumis au même régime sans fioriture, je pense par exemple au critique de cinéma Emile Breton (n°1188)

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