Cinéma(ra)t(h)on : J-73
Cinématon 1481-1500 (1991) de Gérard Courant
Frédéric Taddeï Cinématon 1491
Difficile de poser le pied à terre ce mois de septembre et je contemple maintenant avec un certain désarroi tout le retard que j'ai accumulé, que ce soit du côté des sorties au cinéma (non, non messieurs Moretti, Bonello, Van Sant et Garrel : je ne vous oublie pas !), de mes coffrets DVD (les martiens de chez Artus, les Straub) et, pour finir, de mon « cinémarathon » qui piétine.
La reprise fut pourtant agréable et nous eûmes l'occasion de découvrir quelques portraits plutôt intéressants. Et comme chez tout admirateur de l’œuvre de Gérard Courant se cache un cœur de midinette avide de voir des « célébrités », c'est par là que nous allons commencer.
En 1991, Frédéric Taddeï (n°1491) n'avait pas la notoriété qu'il peut avoir maintenant mais il affichait déjà cette morgue branchée qui m'agace parfois chez lui (mais il lui sera beaucoup pardonné pour être l'une des seules personnes intelligentes à traîner ses guêtres à la télévision et, surtout, pour avoir toujours défendu l’œuvre de Marc-Edouard Nabe!). Chez Courant, il pose au volant de sa voiture, derrière des essuie-glaces en marche. C'est lorsqu'il entame une marche arrière que le portrait devient plus intéressant puisque le journaliste rompt ainsi avec la sacro-sainte règle de gros plan cinématonesque. Quelques secondes avant la fin, il sortira même du champ, ne laissant au spectateur que le loisir de contempler la circulation.
Hugues Quester (n°1493) n'est pas un acteur forcément très connu du « grand public »mais les cinéphiles n'ont pas oublié ses prestations dans La ville des pirates de Ruiz, Parking de Demy et, surtout, le Conte de printemps d'Eric Rohmer. Il ne fait pas grand-chose devant la caméra de Courant mais pose derrière une plante qui donne un effet assez joli au portrait puisque le point n'est pas fait à l'avant-plan.
L'étape du jour nous a également permis de revoir un Cinématon « érotique », peut-être le plus osé de toute l’œuvre. Il s'agit de celui de Johanne Maiböll (n°1495), présentée comme une écrivain et une ..maquerelle. Dans un premier temps, le modèle aux yeux bandés se fait bâillonner et ligoter par une inconnue. Les choses se corsent par la suite : Maiböll se lève et présente son postérieur à la caméra (nous sommes toujours en gros plan, je le rappelle). Sa complice la déculotte, lui donne la fessée avant de la fouetter avec un martinet. Gérard Courant aura donc réussi à récolter un film SM pour sa collection !
Comme Johanne Maiböll, on retrouvera l'écrivain allemande Dagmar Fedderke (n°1496) dans la série Couple. Si elle reste sage pour son Cinématon, il est néanmoins très amusant parce que la maline se contente de scanner son image sur un écran d'ordinateur et de lui faire subir quelques retouches audacieuses. Sauf que nous sommes toujours en 1991 et que le logiciel qu'elle utilise paraît désormais totalement désuet. Encore une fois, Gérard Courant fait œuvre d'archiviste et enregistre pour la postérité les traits du grand-père de Photoshop !
Pour le reste, il faut avouer que les Cinématons qui restent en mémoire sont ceux où les personnes filmées se livrent à quelques actions, même minimalistes. Difficile en effet de se souvenir de ces portraits austères de cinéastes bulgares (Ivan Pavlov, n°1488) qui ne font strictement rien et qui donneraient presque envie de s'endormir comme manque de le faire la critique de cinéma et journaliste égyptienne Néamat Allah Hussein (n°1489), filmée à 3 heures du matin et qui semble accuser le coup de la fatigue.
Parmi ceux qui ont osé « scénariser » leur cinématons, citons Jean-Pierre Busca (n°1481) qui présente à la caméra une jolie collection de livres sur le cinéma (le Siclier sur le cinéma français, un ouvrage sur Minnelli, un autre sur Truffaut, etc.) avant de finir par montrer le livre Cinématon édité au moment du 1000ème portrait.
La chanteuse et actrice Tina Chriss (n°1482) profite de ses trois minutes pour manger un esquimau (on peut même lire sur ses lèvres un « C'est bon ! »). Voilà qui change de la traditionnelle cigarette !
Enfin, citons également le directeur artistique Ramon Tio Bellido (n°1499) qui partage son film avec... un coq qui ne se montrera pas coopératif pendant toute la durée du film. Nous avions déjà vu quelques chats dans Cinématon mais de la volaille, c'est une première !