Cinématon 1501-1530 (1991-1992) de Gérard Courant

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Brigitte Lahaie Cinématon n°1512

 

Après quelques mois d'absence loin des pistes (nous avons estimé qu'une compétition de ce niveau nécessitait une trêve hivernale), nous avons à nouveau chaussé nos baskets lunettes pour reprendre notre « cinémarathon ». Loin d'être un abandon, ce repos nous a permis de repartir sur de bonnes bases et de savourer à sa juste valeur une étape fort intéressante (sur les trente portraits, presque aucun ne nous a semblé ennuyeux ou fade).

Si mes fidèles lecteurs ont bonne mémoire, ils doivent se souvenir que dans notre dernier compte-rendu, il était question du plus « osé » des Cinématons. La loi des séries fait que nous avons pu revoir trois portraits estampillés de ce label « érotique » aujourd'hui.

 

Nous avons déjà évoqué le cas de l'artiste Coco (n°1504) qui finit par exhiber sa poitrine nue devant la caméra de Gérard Courant après avoir longuement joué avec des embouts en plastique qu'elle enfile à chaque doigt. De la même manière, la peintre coréenne Ji-Hang Lee (n°1526) se présente à nous en nuisette, enlève des gants en dentelles à la manière de Rita Hayworth dans Gilda et les place... sur une poupée gonflable !

Si le portrait de Brigitte Lahaie (n°1512) a déjà été présenté dans une programmation de « Cinématon érotique », c'est uniquement à cause du passé de la comédienne. Car son portrait bucolique (elle mange une pomme en compagnie du cheval Marco) est d'une infinie sagesse et la belle lumière de l'été 1991 lui donne une douceur remarquable.

Sans se risquer à « l'érotisme », certains modèles profitent de leur passage devant la caméra pour jouer la carte du dévoilement. La dessinatrice et lycéenne Zéline Chalem (n°1508) apparaît d'abord maquillée comme une voiture volée. Petit à petit, elle enlève tous ses apparats (boucles d'oreille, collier, faux ongles, faux cils, fausses lèvres...) et révèle la fraîcheur de son visage juvénile. Sa mise en scène est parfaitement maîtrisée.

Plus classique, la journaliste Elisabeth Santacreu (n°1513) « scénarise » son Cinématon à l'aide de cartons. Elle commence par présenter des livres à la caméra puis se lève et va se changer pour recevoir Gérard Courant en tenue plus légère (maillot de bain?). Le dernier carton dit tout simplement : « Enfin célèbre ! » ...

Quant à Cornelia Vogel (n°1518), elle se livre à un savant jeu de cache-cache avec deux grandes plumes.

 

Ça n'est pas le première fois que je le souligne mais les Cinématons les plus intéressants sont souvent ceux qui jouent sur cette tension entre le caché et le montré (et ce ne sont pas forcément ceux qui optent pour le jeu et la « fiction » qui se dévoilent le moins). Mais il y a également ceux qui tentent de « doubler » le dispositif en rajoutant des cadres à celui, immuable, qu'a défini Gérard Courant. C'est le cas de Kaspar Thomas Linder (n°1506) qui pose derrière les barreaux d'une cage ou de Jean-Henri Meunier (n°1521) qui place son visage au centre d'un cadre. Citons également le beau portrait « miroir » du dessinateur Alexandre Coutelis (n°1529) qui profite de ses 3 minutes à l'écran pour croquer rapidement Gérard Courant derrière sa caméra Super 8.

 

Au niveau des menues actions que permet le Cinématon, certaines sont devenues des classiques. Manger et boire, par exemple. Le critique et vidéaste Jean-Paul Fargier (n°1502), visiblement filmé dans une cave (la lumière de ce portrait est très belle), ouvre une bonne bouteille et savoure un petit verre de rouge. Le cinéaste et écrivain russe Pavel Sirkes (n°1523) s'enfile cul sec des verres de vodka (il semblerait que ça en soit!) et mange quelques fruits (une banane puis une clémentine). Plus sobre, l'historien du cinéma Michel Azzopardi (n°1510) se désaltère (il a l'air de faire très chaud) avec un simple jus d'orange après avoir feuilleté un livre. Quant à Bruno Lapeyre (n°1520) (qui ressemble étonnement à Jean-Luc Delarue), il se bâfre de noix de cajou. Mais le plus intéressant de son portrait sont sans doute les trois cartons introductifs qui précèdent le film car en tant que calligraphe, je pense que Lapeyre les a écrits lui-même et qu'ils tranchent avec ceux réalisés habituellement par Courant (qui a pourtant une très belle écriture immédiatement reconnaissable).

 

A défaut de se sustenter, il est également possible d'essayer des cravates comme le journaliste Marc Cohen (n°1525) ou jouer de la guitare comme le cinéaste Alain Robak (n°1503) (qui a un peu disparu de la circulation depuis Baby blood) et qui demande à quelques figurants de faire mine de lui lancer des pièces !

 

L'immense Gébé (n°1517) se contente de se tourner les pouces au sens propre du terme. Mais son air détendu au soleil, son sourire donnent à ce portrait une puissance mélancolique très belle et une douceur qui évoque des plus beaux étés indiens.

 

Pour terminer, évoquons le Cinématon singulier du cinéaste Ken Loach (n°1519). En effet, il semblerait que le gros plan de rigueur du dispositif ait été obtenu par un zoom car l'auteur de Ladybird pose de l'autre côté d'une route en lisant The Guardian. Son visage est donc souvent éclipsé par divers véhicules (voitures, bus, camions...) circulant à ce moment là. Avec cette impression de sautes d'images et de photographie un peu floue, ce beau portrait acquiert une allure fantomatique assez séduisante...

 

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