Cinématon 1711-1740 (1994-1995) de Gérard Courant

bassan.jpg Raphaël Bassan Cinématon n°1736

 

Nous avions laissé Gérard Courant s'enliser sur le « front russe » (entre parenthèses, je vous conseille de vous précipiter sur l'hilarant roman de Jean-Claude Lalumière portant ce titre) et nous le retrouvons en fâcheuse posture même si ce séjour se termine de jolie manière grâce à Tatiyana Moguikevskaya (n°1713) qui semble d'abord se demander ce qu'elle fait là avant de piquer un fou-rire assez communicatif. Le portrait est très frais d'autant plus que cette « responsable d'un lieu culturel » ressemble un peu à Camille de Casabianca.

Sans aller jusqu'à parler de Bérézina, le cinéaste se trouve néanmoins obligé à un repli stratégique et prend position en Ukraine (à Kiev, plus exactement) pour tourner une vingtaine de portraits.

Là encore, le résultat n'est pas toujours très emballant dans la mesure où les modèles filmés ne sont pas très expressifs (la palme revenant à ce cinéaste lituanien Algimantas Maceina -n°1733- qui, avec son crâne rasé et sa boucle d'oreille, ressemble à un croisement entre « Monsieur Propre » et un videur de boîte de nuit peu commode. Devant la caméra de Courant, il se contente de boire une bière à la bouteille, ce qui provoque à un moment un renvoi pas forcément très cinégénique!).

Sur le chemin, nous croiserons un organisateur de festival de cinéma chevelu (Alexis Perchko, n°1718, qui présente à l'écran un ouvrage consacré à Courant en ukrainien), un autre organisateur au sourire radieux, ravi de poser devant le visage de Catherine Deneuve (Alexandre Chiliouk, n°1719), un patriarche grec à l'air austère (Stavros Chassapis, n°1724), une dessinatrice adepte de la grimace (Natacha Chevtchenko, n°1726) et une autre Natacha (Karpenko, n°1727), étudiante en art très photogénique qui se tire les traits du visage.

 

De retour en France, Gérard Courant se reprend et va filmer deux complices habituels, tout deux critiques de cinéma. Le premier est une vieille connaissance, l'excellent Raphaël Bassan (n°1736), que le cinéaste avait déjà filmé 16 ans auparavant (c'était le Cinématon n°41). Comme Dominique Païni, il choisit pour son deuxième portrait de se faire filmer avec son premier essai en arrière-plan (qui défile ici sur un écran de télévision). Cette mise en abyme permet de mesurer une fois de plus une certaine idée du temps qui passe (et qui, pour le coup, n'a pas été trop cruel pour Bassan) et de montrer le considérable intérêt « archivistique » de Cinématon.

 

Autant les liens amicaux unissant Gérard Courant et Raphaël Bassan peuvent paraître évidents (le critique est un spécialiste du cinéma expérimental et fonda le toujours très actif « Collectif jeune cinéma »), autant ceux qui rapprochent le cinéaste d'Alain Riou (n°1734) peuvent sembler plus surprenants. En effet, le critique du Nouvel Observateur, bien connu des auditeurs du Masque et la Plume, n'a jamais témoigné d'un goût prononcé pour l'avant-garde cinématographique. En revanche, il défendit courageusement Cœur bleu dans les colonnes du Matin de Paris et on a pu le voir en acteur occasionnel dans certains longs-métrages de Courant (Chambéry-Les Arcs, Le journal de Joseph M).

Riou se livre ici à un exercice déjà-vu : le « Cinématon rasoir » où il profite de son temps devant la caméra pour se rafraîchir le visage. Plus rapide cependant que ses confrères, il parvient en un peu plus de trois minutes à se raser, se brosser les dents, se couper les poils du nez, enlever son peignoir pour arborer un smoking et un nœud papillon du plus bel effet. Le résultat est vif et plutôt sympathique.

Un autre complice de l'auteur fait son apparition dans Cinématon. Il s'agit du cinéaste Rémi Lange (n°1735) qui, grâce lui soit rendue, permet aujourd'hui la réédition d'un certain nombre de films de Courant en DVD chez L'Harmattan. Pas encore aguerri par le passage au long-métrage (Omelette, Les yeux brouillés...), l'apprenti-réalisateur se livre à un classique « duel » en dégainant, lui aussi, une caméra Super 8 pour filmer son « filmeur ».

Après avoir vu la comédienne Juliette Bergson (n°1737) se heurter à une porte qui finit par s'ouvrir à la fin du film; nous avons terminé par le portrait de Gérard Lauzier (n°1740). Pour être tout à fait franc, le film n'a pas grand intérêt mais je crois que c'était la première fois que je voyais le visage du dessinateur/cinéaste.

Une curiosité, donc...

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