Cinématon 1921-1950 (1998-1999) de Gérard Courant

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Mathieu Amalric Cinématon n°1938

 

Notre marathon est reparti sur de bonnes bases puisque nous avons commencé par croiser le chemin de Jan Bucquoy (n°1921), le sympathique terroriste burlesque belge. Le portrait de l'auteur de l'hilarante saga La vie sexuelle des belges et de La vie est belge se révèle moins drôle que ce à quoi on pouvait s'attendre (surtout si l'on songe à celui de son complice Noël Godin). Néanmoins, il est intéressant parce que pour la première fois apparaît dans Cinématon un objet appelé à un avenir radieux : le téléphone portable. Et c'est à ce moment là qu'on regrette que les modèles filmés n'aient pas eu plus souvent ce réflexe de montrer des objets typiques de l'époque...

Après lui, c'est au tour du programmateur de films Gwenaël Breëds (n°1922) de se faire filmer...devant le Manneken Piss qu'il montre également en photo.

 

De retour en France, Gérard Courant se rend à Montpellier où il parvient à immortaliser deux critiques de cinéma : Samuel Lachize (n°1926) qui commence en lisant « son » journal (L'Humanité) avant de se livrer à un long monologue...muet et Alain Masson (n°1928) de Positif qui offre au monde un visage assez ahuri. Dans le cas de ce dernier, cela nous a permis de mettre un visage sur un nom moqué, à juste titre, par Noël Godin dans son indispensable Anthologie de la subversion carabinée*.

A Paris, le cinéaste filme la jolie Natacha Nisic (n°1930) dans une très belle lumière rasante puis le poète et métaphysicien (« un pur déconneur » dixit ma bien-aimée) Jean Phaure (n°1931) qui pose devant des icônes.

Le dessinateur Thierry Saint Germès (n°1933) semble croquer rapidement celui qui est en train de le filmer mais il ne présentera pas le résultat de son travail à la caméra. C'est un peu décevant. Enfin, l'écrivain Claude Duneton (n°1934), décédé cette année, affiche une trogne de déterré et semble sortir du lit (cheveux en bataille, yeux fatigués...) alors que le film a été tourné à 15 heures !

 

Destination Quimper ensuite où Gérard Courant va rencontrer la personnalité la plus célèbre de l'étape, à savoir Mathieu Amalric (n°1938) qui la joue très sobre avec, parfois, cet éclair de folie dans le regard qui caractérise bien le jeu du comédien. Il faudra attendre ensuite le début de l'année 1999 pour retomber sur une VIP : le producteur Daniel Toscan du Plantier (n°1948) qui reste également sur la réserve et qui offre une image différente, plus émouvante, de sa personnalité.

 

Entre temps, Cinématon nous aura permis de briser une idée reçue. Effectivement, si je vous demande de décrire un penseur sémiologue, vous aurez sans doute en tête l'image d'un homme un peu austère et enjoué comme un laborantin philatéliste. Or il se trouve qu'en un peu plus de trois minutes, Jacques Lemaître (n°1945), coiffé d'une couronne de roi, a le temps de s'enfiler trois verres (a vue de nez, du champagne, du rouge et de la vodka), de tirer sur un gros pétard et de s'envoyer une ligne de coke (j'ignore si elle était réelle ou s'il s'agissait de farine). Bref, notre bonhomme finit totalement défoncé !

Dans le même genre, l'écrivain belge Laurent d'Ursel (n°1949), le visage éclairé d'un seul côté (l'effet clair-obscur est très beau) passe tout son temps à mâcher une espèce de ruban. On a presque mal au ventre pour lui !

 

Pour terminer, un petit mot du cinéaste Thierry Le Merre (n°1936) dont le portrait n'a rien de particulier si ce n'est qu'à la fin, tel Hitchcock dans ses films, on aperçoit Gérard Courant qui apparaît derrière lui, laissant penser qu'il avait quitté son poste derrière la caméra depuis un certain temps...

 

 

* L'  « analysto-métaphysicien » [Artaud] Alain Soupe de Masson se piquant de criticuler, dans le Positif n°315 de mais 1987, le Nagisa Oshima de Louis Danvers et Charles Tatum, Jr (Etoile/Cahier du cinéma), qui est de fort loin, pour nous, la plus « écornifistibulisante » [Pouget] monographie de cinéaste-assassin (Oshima : « Je fais du cinéma comme on commet un crime » !) d'après la guerre des Deux-Roses : « les imprécisions de vocabulaire, les pléonasmes, les barbarismes (postposer pour différer!) trahissent une pensée dépourvue d'originalité et d'exigence ». Ne serait-ce que pour pisser au derche universitartreux d'Alain Soupe de Masson, adoptons donc en masse hic et nunc, et à titre permanent s'il vous plaît, le barbarisme postposer !

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