Cinématon 2011-2040 (2000-2003) de Gérard Courant

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Charles Bitsch Cinématon n°2032

 

Je le notais déjà la dernière fois : le numéro 2000 semble avoir marqué un coup d'arrêt à la série Cinématon. Gérard Courant le reconnaît : il a été tenté d'arrêter son film à ce moment précis. Même si le démon de filmer l'a repris, il tourne beaucoup moins et ne réalisera que 13 Cinématons en 2001 et 14 en 2002.

J'émets une autre hypothèse : au tournant des années 2000, le cinéaste a déjà commencé à filmer en vidéo (Le journal de Joseph M., L'homme des Roubines...) et je suppose qu'il est devenu de plus en plus difficile de tourner en Super 8 (format dédié aux Cinématons).Il s'agissait donc sans doute d'utiliser la pellicule avec parcimonie.

 

Toujours est-il qu'on attaque cette nouvelle étape avec un portrait original, celui du directeur de la photographie Stéphane Nigentz-Gumuschian (n°2011) qui présente à la caméra un ordinateur (le premier de la génération « Windows » à faire son apparition dans Cinématon) et qui retouche, à l'aide d'un logiciel, des photos de lui. Il finira quand même par apparaître à l'écran et accomplira un geste déjà-vu auparavant : se raser (Cf. Gilles Colpart et Alain Riou).

Si l'on s'en tient aux objets présentés à la caméra, on notera la troisième apparition du téléphone portable (Thierry Blondeau, n°2018) et, pour la première fois, de la caméra vidéo alors qu'il s'agit d'une invention plus ancienne. C'est l'artiste Hervé Bailly-Basin (n°2021) qui la dégaine et qui joue habilement avec l'espace en faisant des allers et retours entre le premier plan et la profondeur de champ. Dans le même genre, signalons le beau portrait d'Eric La Casa (n°2020) qui pose presque exclusivement de dos avant de quitter le champ et nous laisser un peu de temps pour profiter d'une vue dégagée du lac d'Annecy.

 

Cette série fit la part belle aux cinéastes. Avant de nous y attarder, signalons aussi la présence d'un critique des Cahiers du cinéma : Sébastien Bénédict (n°2039), qui fut le premier (sauf erreur) à parler de Gérard Courant dans la mythique revue alors que les plus célèbres rédacteurs sont passés devant sa caméra (Daney, Douchet, Bergala, Tesson, Bonitzer...). Son Cinématon a été tourné chez Gérard Courant à Montreuil. Le critique se sert dans la bibliothèque du cinéaste et consulte des ouvrages consacrés à Méliès, à Bresson et à Hitchcock (dans la fameuse collection Cinéma d'aujourd'hui des éditions Seghers) avant d'inscrire sur un papier : « Écrire, c'est... ». La fin de la pellicule nous privera à jamais de ce que voulait exprimer le critique !

 

Nous croiserons également des comédiens, qu'il s'agisse de la muse de Jérôme Bonnell Florence Loiret-Caille (n°2013), qui fait la pitre devant un hôpital ou la ravissante Lucia Sanchez (n°2014) qui s'amuse avec du rouge à lèvres (elle s'en met dans les mains avant de l'étaler sur ses joues, son front et son menton). A noter que l'on peut se rendre compte des conditions de tournage de ces deux portraits dans le beau documentaire 2000 Cinématons tourné par Courant.

 

Signalons aussi l'apparition de l'écrivain René Marx (n°2034) qui semble très absorbé par quelque chose hors-champ. Il nous apprendra, à l'aide d'un carton, qu'il est en train de regarder le Cinématon de Roberto Benigni !

 

De nombreux cinéastes vont donc effectuer un petit passage dans Cinématon. Pas un seul n'est vraiment célèbre mais certains ont une petite renommée. Du côté des moins connus, citons ceux qui gravitent autour du « Collectif jeune cinéma » : Pierre Gerbaux (n°2038), Carole Contant (n°2033) qui nous offre un joli portrait en plein air et qui finit par inviter d'autres filles (l'une d'entre elles lui ressemble beaucoup : il s'agit peut-être de sa sœur) à partager son film ; ou encore Annie Sophie Brabant (n°2037) qui joue avec un miroir où se reflète parfois Courant.

 

Plus célèbres parce qu'ils ont participé au mythique groupe Zanzibar, on trouve immortalisés Daniel Pommereulle (n°2023, très sobre) et Serge Bard (n°2026). Ce dernier portrait m'a un peu attristé. En effet, c'est toujours un peu décevant de voir un rebelle de 68, auteur du tonifiant Détruisez-vous, plonger dans la bigoterie (Bard s'est converti à l'islam). Nous voyons donc le portrait d'un homme aux allures d'ayatollah (turban sur la tête, grande barbe) qui affiche un air doux mais un peu triste.

 

Arrive ensuite Philippe Truffault (n°2036), surtout connu pour son travail sur les émissions d'Arte. Il se fait tirer le portrait au beau milieu de la circulation parisienne. Enfin, le plus « célèbre » reste sans doute Charles Bitsch (n°2032) puisqu'il fut l'assistant de Chabrol et de Godard et directeur de la photographie pour Rivette. Il pose ici sur un balcon, au-dessus d'une rue parisienne et présente aux spectateurs une (belle) affiche de Paris nous appartient.

 

Enfin, je ne les connais pas mais signalons les Cinématons de Jean-Claude Mocik (n°2035) parce qu'il prend la caméra de Courant à pleine mains et lui fait effectuer une rotation à 360° et encore ceux d'André Weinfeld (n°2024) et de son fils Zak (n°2025) parce qu'ils posent devant un film que je n'ai pas réussi à identifier...

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