Défense de la série B (1995) d’Alain Paucard (L’âge d’homme. 1995)

 http://www.images-chapitre.com/ima1/original/280/1359280_4604886.jpg

Chroniquer l’intégrale de Cinématon m’apporte chaque jour de bonnes surprises. Outre les témoignages de certaines personnalités filmées, il m’arrive également de recevoir des cadeaux. Ainsi, grâce à l’œuvre de Gérard Courant, j’ai reçu un (joli) recueil de poèmes de Jean Berteault (je n’ai pas encore vu son portrait filmé) et l’excellent Alain Paucard m’a envoyé quelques uns de ses livres. Je vous ai déjà parlé de sa France de Michel Audiard mais j’ai passé sous silence Curieuse, l’un de ses derniers ouvrages, dans la mesure où il s’agit d’un roman et même si sa facétieuse héroïne est cinéaste et évolue dans les milieux du cinéma d’avant-garde français. Ainsi, le temps d’un passage assez savoureux, on suit ses aventures dans un festival obscur où elle croise les figures de Joseph Morder, Dominique Noguez et…Gérard Courant qu’elle tente de séduire pendant qu’il réalise son Cinématon (mais notre homme, tout affairé qu’il est à son sacerdoce, reste impassible aux charmes de la friponne !)

 

Défense de la série B mérite assurément une note puisqu’il s’agit d’un court essai irrévérencieux où Paucard défend, avec le panache qu’on lui connaît, le cinéma qu’il aime et  a toujours aimé. 

On peut cependant commencer par lui reprocher un petit problème de terminologie. La « série B » désigne généralement un type de films produits avec une économie de moyens précise. Pour faire simple, il s’agit généralement de films à petits budgets (et l’on peut raccrocher à ce wagon nos chères séries Z tournées pour quelques fifrelins) destinés à l’époque des studios hollywoodiens à être projetés en complément de programme du « grand film ».  Du coup, certains films défendus par Paucard, que ce soit les comédies françaises signées Zidi, Poiré ou Leconte période Splendid ou un chef-d’œuvre comme Brigadoon (honnêtement, je doute qu’il existe encore une personne au monde pour reprocher à Minnelli ses décors en « carton-pâte ») ne relèvent pas de cette catégorie. L’essai vise plus à exalter un certain cinéma « populaire » (même si l’on sait combien cette notion est floue) que Paucard oppose avec une férocité réjouissante à un certain cinéma « intellectuel » qu’il déteste (Godard, Fellini et Duras sont des cibles privilégiées pour ses flèches empoisonnées.)

 

Défense de la série B est divisé en cours chapitres qui tentent de décortiquer les divers poncifs de ce cinéma à petit budget et la manières dont ces clichés parviennent à réinsuffler du mythe et à prendre le relais des feuilletons et autres romans populaires de la fin du 19ème siècle. Paucard dresse un panorama, en les survolant (il ne cherche pas à faire œuvre d’historien, nous y reviendrons) des différents thèmes de ces séries B : les savants fous, les monstres, la symbolique du labyrinthe ou de la poursuite. Il fait également l’éloge des « fachos » (en l’occurrence, John Wayne et Clint Eastwood) et même du cinéma X en prenant d’ailleurs le contre-pied de ceux qui louent l’érotisme contre la pornographie : « Il existe des films pornos infiniment moins barbants que des livres érotiques écrits dans le style « artiste » »   

 

Comme je le disais plus haut, Alain Paucard ne cherche pas à faire œuvre d’historien (il ne cite d’ailleurs quasiment jamais les réalisateurs des films évoqués) mais à nous convier au sein de son musée imaginaire. C’est peut-être cette dimension qui touche le plus dans Défense de la série B : cette manière très subjective d’aborder le cinéma et sa dimension éminemment nostalgique puisque l’auteur convoque à la fois la figure de son père (fan absolu de western) et les souvenirs de toute une époque révolue (les salles de quartier, le cinéma permanent…). Par ailleurs, cette subjectivité conduit le « ronchon » Paucard à railler notre modernité et à concocter quelques chapitres très drôles en renouant avec son style pamphlétaire rigolard. J’aime énormément son chapitre intitulé Typologie du cuistre (feu Toscan du Plantier s’en prend plein la tête) ou celui consacré aux Vénus phtisiques. Paucard regrette dans ce passage qu’en France, à l’inverse des Etats-Unis où tous les films regorgent de belles filles (alors qu’il trouve que les américaines ne sont « guère jolies »), les réalisateurs ne proposent que « des maigrichonnes, à la limite de la phtisie, promenant leur air triste de pasionaria des Droits de l’Homme. Ce sont d’ailleurs presque toujours les mêmes et l’on croit savoir que si Isabelle Huppert refuse un rôle de caissière de supermarché, Nathalie Baye fera très bien l’affaire. Et si Baye n’est pas libre car elle tourne un film sur les mères porteuses, on peut avoir, pour le même prix, Miou-Miou ou Nicole Garcia. » C’est dans ce même chapitre que l’auteur parle de Juliette Binoche et de « son physique d’abonnée à Télérama ! »

C’est très injuste mais ça me fait beaucoup rire !

 

Encore une fois, qu’on partage ou non l’avis de Paucard, on peut goûter au piquant de cette  Défense de la série B revigorante…

Retour à l'accueil