La femme la plus riche du monde (1934) de William A. Seiter avec Miriam Hopkins, Joel McCrea, Fay Wray

Double chance (1940) de Lewis Milestone avec Ginger Rogers, Ronald Colman

(Editions Montparnasse) Sortie le 20 aout 2013

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Les deux films de la collection RKO que je vous propose aujourd’hui ne sont pas du même auteur mais relèvent tous les deux du même genre : la comédie mâtinée d’une pointe de romantisme. Deux films qui mettent en valeur des vedettes féminines du studio. Si Fay Wray n’a pas le premier rôle dans La femme la plus riche du monde, elle reste une valeur sûre après avoir joué dans King Kong et Les chasses du conte Zaroff. Quant à Ginger Rogers, elle est en 1940 une des plus grandes stars de la RKO, non seulement pour ses comédies musicales avec Fred Astaire mais également pour des rôles plus dramatiques (Primrose Path de La Cava) ou comiques (comme ici).

 

La femme la plus riche du monde a été réalisé par William A. Seiter, cinéaste peu connu mais qui a pourtant signé un Laurel et Hardy renommé (Les compagnons de la nouba), un Marx Brothers (Panique à l’hôtel) et même un Abott et Costello (Little Giant).

Lassée de n’intéresser que par son argent, la richissime Dorothy Hunter (la pétillante Miriam Hopkins) se fait passer pour sa secrétaire Sylvia (F.Wray). Un jour, elle est séduite par Tony Travers (J.McCrea) mais cherche d’abord à le pousser dans les bras de la fausse Dorothy pour voir la teneur réelle de ses sentiments…

Le stratagème qui consiste à inverser les rôles pour permettre aux personnages de mieux révéler leurs sentiments est vieux comme la comédie. Il permet au cinéaste de tresser les mailles d’un aimable marivaudage. Le rythme est enlevé, les répliques piquantes et les comédiens s’amusent beaucoup. En 1934, l’Amérique est toujours sous le coup de la crise de 29 et les studios de cinéma cherchent d’abord à offrir du rêve aux spectateurs. L’originalité de La femme la plus riche du monde vient certainement du fait qu’il inverse le schéma classique des films de « chercheuses d’or » (La baronne de minuit, par exemple). Cette fois, c’est la femme qui est riche et qui attire toutes les convoitises.

Ce que nous dit Hollywood, c’est que l’argent ne fait pas le bonheur et que les sentiments doivent primer. Morale primaire de résignation mais là où réside la splendide ambiguïté de ce cinéma, c’est que pendant 1h20, il va nous faire rêver avec des villas luxueuses (voir ce plan gratuit mais magnifique qui prend le temps de laisser Miriam Hopkins gravir intégralement un monumental escalier dans une robe superbe), des balades en canoë et des soirées arrosées au coin d’une immense cheminée. Un rêve auquel il faut renoncer pour préférer une certaine simplicité. Mais ce rêve a été entrevu et c’est sa grandeur même qui, paradoxalement, nous empêche de nous résigner…

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Double chance est une véritable curiosité. Réalisé par un vieux routier d’Hollywood (à l’époque, il a déjà signé A l’Ouest, rien de nouveau et Des souris et des hommes), Lewis Milestone met en scène l’adaptation américaine du délicieux Bonne chance de Sacha Guitry.

Persuadée qu’il lui porte chance, Jean (Ginger Rogers) demande à un voisin peintre de prendre un billet de loterie avec elle. Ce dernier accepte à condition qu’elle et lui partent ensemble pour une espèce de voyage de noces qui ne dirait pas son nom. Le fiancé de Jean ne l’entend pas de cette oreille…

Soyons honnête, il manque bien évidemment à ce film la voix et le ton de Sacha Guitry. Ronald Colman est très bon en séducteur hâbleur mais il n’a pas le génie du dramaturge et comédien français. Si Double chance ne possède pas l’esprit du film original, il se révèle être une excellente comédie américanisée. Si Ginger Rogers n’a sans doute jamais été une immense danseuse (Fred Astaire a eu des partenaires plus douées, Cyd Charisse en premier lieu), elle fut néanmoins une très grande comédienne. Elle est absolument délicieuse dans un rôle tenu à l’origine par Jacqueline Delubac, entre ingénuité et séduction.

Comme dans La femme la plus riche du monde, Milestone injecte ici une bonne dose de romantisme dans son récit et les américains n’ont pas leur pareil pour suggérer les sentiments que leurs personnages n’osent pas avouer. Il faut voir ici cette jolie scène où Jean appelle le peintre en pleine nuit pour lui souhaiter trois fois de suite « bonne nuit ». De la même manière, le film se permet un petit aparté féérique, lorsque notre couple rencontre en pleine nuit un vieux couple qui écrit des contes et leur prédit un avenir radieux.

Un procès final donne un petit coup de mou au rythme général du film mais l’ensemble reste très séduisant, plutôt drôle et enlevé.

Encore deux jolies découvertes, en somme…  

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