Cent dollars pour un shérif (1969) de Henry Hathaway avec John Wayne, Robert Duvall, Dennis Hopper

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Commençons cette critique par un gros crachat sur la chaîne Paris Première pour laquelle j’avais une certaine estime jusqu’à présent. Non seulement Cent dollars pour un shérif a été présenté en version française (non recadrée mais ça, c’est devenu la norme ! Comme si tout le monde possédait désormais un écran 16/9 !) mais le spectateur s’est également vu infliger deux coupures publicitaires ! Je ne suis même pas certain que des chaînes aussi répugnantes que TF1 et M6 fassent de même !

Bravant ces aléas, votre serviteur a néanmoins regardé ce western d’Henry Hathaway pour pouvoir le comparer avec le remake des frères Coen dont nous vous parlions la dernière fois.

Pour ma part, et malgré ce que j’ai pu lire ça et là, il me semble que la nouvelle version de True Grit est infiniment supérieure à l’originale. Hathaway fut toujours un bon artisan, capable même de signer quelques excellents films noirs (L’impasse tragique, Le carrefour de la mort) et même un authentique chef-d’œuvre (Peter Ibbetson). Mais il n’eut sans doute jamais le génie des grands auteurs hollywoodiens (Hawks, Ford, Sirk, Minnelli, Hitchcock…) pour imprimer une marque authentique au cœur du cinéma de genre.

 

Cent dollars pour un shérif est un western tardif. Tourné en 1969, le film aurait pu aussi bien être réalisé 20 ans plus tôt tant le cinéaste ignore les nouvelles voies empruntées alors par le western (Léone, Peckinpah) ou même ce sentiment de doute que certains « classiques » imprimèrent au genre (Mann, Aldrich). Tout juste peut-on noter qu’Hathaway peut désormais montrer un peu de sang et qu’il fait appel pour les seconds couteaux a des acteurs du « Nouvel Hollywood » (Hopper, Duvall).

Le résultat est loin d’être désagréable mais je le trouve un peu pépère, un poil trop longuet et finalement moins passionnant que le formidable remake des frères Coen.

 

Ce jugement peut sembler paradoxal dans la mesure où de nombreuses séquences se retrouvent presque à l’identique dans les deux films. Mais un seul exemple me semble parler pour tous les autres. Il s’agit de cette scène au début du film où Mattie arrive à Fort Smith et assiste à la pendaison de trois hommes. Chez Hathaway, la scène est traitée rapidement, presque de façon anecdotique. Chez les Coen, elle est un peu développée et on entend parler les condamnés. Le deuxième harangue la foule en admettant avoir tué le mauvais homme au mauvais moment tout en sachant que dans d’autres circonstances, ce geste aurait pu lui apporter la gloire. Il poursuit en disant qu’il voit dans la foule des types qui pourraient tout aussi bien être à sa place, annonçant ainsi d’une certaine manière le parcours de Mattie et du marshal qui vont, eux aussi, donner la mort. Par ce simple détail, les Coen parviennent déjà à donner un peu de sel à leur récit (sans compter la pincée d’humour qui va avec puisque le troisième condamné est un indien et que personne ne le laisse s’exprimer !) et une véritable ambiguïté qu’on retrouvera tout au long du film. Chez Hathaway, nous sommes plus dans le domaine de l’illustratif et du « savoir-faire » artisanal.

De la même manière, la scène vers la fin du film où Cogburn se trouve seul face à quatre bandits me semble beaucoup mieux mis en scène (découpage, montage, jeu avec la profondeur de champ…) chez les Coen.

Malgré la similitude des situations, il y a toujours un détail, un dialogue, une ellipse (la mort du père de Mattie par exemple), une vivacité qui me paraissent plus tranchants dans le remake dont la supériorité vient aussi beaucoup de la distribution.

Dans Cent dollars pour un shérif, l’actrice qui incarne Mattie (Kim Darby) est beaucoup trop vieille (elle est censée avoir 14 ans, elle en a 22) et beaucoup moins convaincante que Hailee Steinfeld (voir la scène du marchandage : hilarante chez les Coen, un poil pénible chez Hathaway). Ne parlons même pas de l’incroyablement insipide Glenn Campbell qui incarne Leboeuf : Matt Damon est cent fois mieux (si comme le suggère l’ami Mariaque, le personnage est mal écrit, les frères Coen ont le mérite de le faire disparaître assez souvent et de se concentrer surtout sur le duo Cogburn/ Mattie).

Et quitte à faire hurler dans les chaumières, je dois également confesser que je préfère le « Dude » (Jeff Bridges) au « Duke » (John Wayne). Ce dernier est loin d’être mauvais dans le rôle de ce shérif vieillissant et alcoolique mais même lorsqu’il est censé montrer les côtés sombres de sa personnalité, l’acteur garde toujours quelque chose d’un peu trop propre sur soi et l’on sent toujours le « béret vert » derrière l’alcoolique alors que Jeff Bridges est immense sans arrêt. Seul Robert Duvall, en Ned Pepper, me semble plus percutant chez Hathaway.

Certains reprochent aux frères Coen leur épilogue. Pour ma part, je trouve celui d’Hathaway beaucoup plus niais (avec cette histoire de tombes familiales) et moins mélancolique. Et de la même manière, je ne retrouve pas les magnifiques séquences à la limite de l’onirisme dans Cent dollars pour un shérif (pas de marchand de peau d’ours, pas de pendu à détacher, pas de course sous les étoiles et quand Mattie se fait mordre par le serpent ici, on la voit arborer un large sourire ! …)

Dans la mesure où je me suis prêté au jeu des comparaisons, cette critique donne peut-être l’impression que je n’aime pas Cent dollars pour un shérif. Ca n’est pas le cas : il s’agit d’un western classique très estimable, solidement réalisé par un artisan consciencieux et qui réserve son lot d’aventures et d’humour.

Mais encore une fois, le True Grit des frères Coen me paraît très, très supérieur…

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