Luc Moullet (Eric Pauwels et Jeon Soo-Il) à Manosque 1 (2011) de Gérard Courant avec Luc Moullet.

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Dans la cadre de la rétrospective Gérard Courant initiée par la Cinémathèque de Bourgogne, le cinéaste est venu présenter deux films réalisés autour de la figure de Luc Moullet. Dans un premier temps, nous pûmes revoir avec plaisir l'excellent L'homme des roubines avant de découvrir un carnet filmé inédit (je ne l'ai même pas en DVD!) relatant le séjour de Courant à Manosque le temps d'un festival.

Encore une fois, découvrir cette œuvre 9 mois après son tournage paraît presque prématuré dans la mesure où ces notes, ces croquis, ces « brouillons » (l'aspect parfois « brut de décoffrage » du film) ne cessent de gagner en intérêt à mesure que le temps passe. En archiviste des temps présents, Courant mise tout sur la postérité et c'est dans quelques décennies qu'on mesurera tout l'intérêt de ce travail minutieux et obsessionnel.


Toute l’œuvre du cinéaste tend à la création d'une sorte d'immense anthologie de la vie culturelle française de la fin du 20ème et du début du 21ème. D'une certaine manière, les « carnets filmés » ne sont que la prolongation des Cinématons par d'autres moyens. Et lorsque que Courant enregistre longuement une intervention de Luc Moullet dans une salle de cinéma après la projection de son film Parpaillon, il s'inscrit dans la tradition d'un Sacha Guitry réalisant Ceux de chez nous. Mais au lieu de voir des artistes comme Rodin, Mirbeau, Manet et d'autres, ce sont des gens comme Noguez, Moullet, Garrel, Schroeter, etc. que l'on pourra retrouver.

Eric Pauwels et Jeon Soo-Il sont moins célèbres mais peut-être qu'un jour on regardera avec intérêt ces images fugitives de cinéastes parlant de leur œuvre devant un public cinéphile.


Si les individus intéressent Courant, les lieux l'obsèdent également. Il y a du géographe (comme chez Moullet, d'ailleurs) chez ce cinéaste arpentant les routes de France et d'ailleurs (nous aurons peut-être un jour l'occasion de parler des « carnets filmés » de Dubaï!). Dans ce carnet, il filme longuement sa déambulation dans le centre de Manosque. Peut-être que cette vingtaine de minutes en plan-séquence peut exaspérer le spectateur mais toujours est-il que ces visions de « cinéaste marcheur », à l'instar des « vues Lumière » constitueront un précieux document lorsque la patine du temps les aura enrobées.


Comme toutes les entreprises « sérielles » de Gérard Courant, ces « carnets » sont un défi prométhéen contre le temps. Pour le cinéaste, il s'agit de faire de sa vie entière, même dans ce qu'elle a de plus basique, une œuvre d'art et de la fixer sur « pellicule » (même si celle-ci s'est dématérialisée). La caméra devient à la fois une prolongation organique de son oeil (voir cette fameuse « balade » en plan subjectif) et un stylo griffonnant des notes, des croquis sur un bout de papier pour se souvenir de tout. Ce « tout » n'est pas toujours passionnant dans ces cahiers mais c'est l'entreprise elle-même qui l'est.


Le diariste Courant note, griffonne, récupère des « chutes » (la fin d'un Cinématon par exemple), saisit par hasard des images assez étonnantes (le visage de cette jeune femme blonde dont le corps est dissimulée par une sorte de palissade), s'attarde sur des éléments insolites du paysage et archive le tout dans un vaste ensemble où la vie et le cinéma ne font désormais plus qu'un...

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