Harvey (1951) de Henry Koster avec James Stewart, Josephine Hull

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Nous étions si bien en compagnie de James Stewart que je vous propose, si vous le voulez bien, de le retrouver dans ce film étrange qu’est Harvey.

Question pour un champion : pour quel film le nom d’Henry Koster est-il resté dans les histoires du cinéma ? Mon lectorat étant trié sur le volet et uniquement composé de l’élite de la nation, tout le monde aura bien évidemment deviné qu’il s’agit de La tunique, grosse production sulpicienne (pas vu, mais ça a l’air vraiment très, très mauvais) qui est la première a avoir été tournée en Cinémascope.

Pour ma part, je n’avais vu jusqu’à présent qu’un seul film du tâcheron Koster, le tout pourri Honni soit qui mal y pense dont je n’ai désormais plus aucun souvenir.

Sur le papier, Harvey a de quoi faire frémir (ou réjouir les plus pervers d’entre nous) puisqu’il s’agit de l’histoire d’un homme (James Stewart) qui vit constamment avec un compagnon imaginaire, à savoir… un lapin blanc d’1m 91 ! Sa sœur (Josephine Hull), voyant ses relations sociales fondre comme neige au soleil, décide de le faire interner mais les choses ne vont pas aller aussi simplement…

 

Adapté d’un grand succès de Broadway, Harvey exploite à fond le thème cher au cinéma américain du « fou » finalement plus raisonnable que le commun des mortels (l’un des derniers avatars notables du genre étant le détestable Forrest Gump). James Stewart incarne ici un grand dadet désarmant de gentillesse et de générosité. A côté d’Elwood, les personnages qu’il a joués chez Capra apparaissent presque aussi cruels et sans cœur que Liberty Valance !

Pour être tout à fait franc, le film souffre parfois de ses origines théâtrales : il est souvent assez bavard et Koster le transpose à l’écran avec la mollesse et une certaine platitude qui le caractérise.

Pourtant, cette petite oeuvrette bizarroïde mérite le coup d’œil et j’avoue que j’avais assez envie de la découvrir grâce aux recommandations avisées de Gérard Courant (que je remercie au passage de m’avoir offert le DVD) et du Dr Devo (un article ma foi fort ancien).

Outre le fait que ce lapin imaginaire donne lieu a des quiproquos de langage assez savoureux (lorsque James Stewart, par exemple, regrette qu’Harvey n’ait pas pu prendre son bain et que les deux infirmières à ses côtés pensent qu’il s’adresse à elles), ce personnage fantasmatique finit par faire dérailler le trantran du récit. La douce folie d’Elwood semble peu à peu devenir contagieuse au point que les autres personnages en viennent à accepter l’existence d’Harvey. Par la grâce de l’imagination et du rêve, Koster montre par l’absurde le ridicule des conventions sociales et offre un visage humain à ses personnages lorsqu’ils se laissent envahir par la « folie ». D’une certaine manière, Harvey est l’ange de Théorème qui vient révéler aux individus leur vraie nature (l’amour du médecin pour Melle Kelly, par exemple).

La « folie » qui gagne les personnages semble également contaminer la mise en scène de Koster. Oh, bien sûr, nous ne sommes pas chez Orson Welles mais le fait qu’il faille faire admettre aux spectateurs que James Stewart s’adresse perpétuellement à un être imaginaire plus grand que lui l’oblige à toujours légèrement décadrer, à laisser un espace béant où est supposé se trouver le lapin. Du coup, lorsqu’on quitte les innombrables machinations qui se trament quand Elwood est absent ; le film devient plus intriguant, notamment quand il se confronte justement au « filmage » de cet être invisible…

Il ne s’agit sans doute pas du chef-d’œuvre du siècle mais d’une petite curiosité où brille, comme d’habitude, l’immense Jimmy…

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