Quand passent les faisans (1965) d’Edouard Molinaro avec Bernard Blier, Paul Meurisse, Jean Lefebvre, Michel Serrault, Roger Dalban

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Poursuivons notre hommage à Georges Lautner en évoquant un film…d’Edouard Molinaro. La logique de la chose vous paraîtra sans doute un peu sibylline mais il apparaît pourtant, dès le générique du film, que Quand passent les faisans est un hommage évident aux Tontons flingueurs voire un amusant ersatz. 

On retrouve ici une bonne partie de l’équipe du film de Lautner : Albert Simonin à l’adaptation, Michel Audiard aux dialogues et les frères Volfoni (Blier et Lefebvre) sont devenus ici deux escrocs minables enrôlés par Alexandre Larsan-Bellac (Paul Meurisse, un autre fidèle de Lautner), un arnaqueur d’une toute autre trempe. On retrouve également quelques seconds rôles qui firent partie de la distribution des Tontons flingueurs : Roger Dalban qui joue ici un maître d’hôtel corruptible et Philippe Castelli en barman.

On reconnaît même quelques hommages jusque dans la manière de filmer de Molinaro (contre-plongées qui accentuent l’air bêta des personnages, par exemple), cinéaste lui-aussi inégal mais qui réalisa quelques comédies très agréables à ses débuts (Une ravissante idiote avec Bardot) et offrit à De Funès de bons rôles (Oscar et Hibernatus font partie des films les plus réussis de l’acteur).

 

Pour être tout à fait franc, l’intrigue ne vaut pas tripette et ces rocambolesques histoires d’escroqueries ne vont pas très loin. Le film accuse même, dans sa deuxième partie, un petit coup de mou et l’on craint un peu de voir l’ennui gagner.

Pourtant, d’une manière globale, cette comédie alerte force la sympathie.

Primo, parce que le cinéaste lorgne parfois du côté de l’humour noir et que ça fonctionne assez bien. Il faut voir Jean Lefebvre se rendre à tous les enterrements pour faire croire à la famille éplorée que le défunt avait commandé quelques temps avant sa mort un Kâma-Sûtra et qu’il s’agit maintenant de régler sa dette !

 

Deusio, parce que le film montre une certaine empathie pour les escrocs, bien plus fréquentables finalement que les « honnêtes gens ». Il est d’ailleurs notable que Blier met son « génie » au service du « crime » (« Je peux tout demander à mon cerveau, sauf de s’arrêter de penser ») après avoir été exclu de la police. Leurs petites combines sont assez amusantes et révèlent aussi le ridicule des pigeons qui en sont les victimes (comme cet honnête commerçant fier comme Artaban d’avoir reçu la médaille du « rayonnement français » et un inepte « diplôme » vendu très cher).

 

Tertio, parce que les dialogues d’Audiard sont brillants voire prémonitoires (« Y a plus de service. C'est l'âge du snack-bar. Le nivellement par le bas ! Le socialisme ! ») et que les interprètes se régalent visiblement à les dire. Si j’avoue avoir toujours un peu de mal avec les éternels rôles de benêt qu’incarna systématiquement Jean Lefebvre, Bernard Blier est impérial et ces emportements homériques sont toujours une grande source de joie. On se dit qu’après les frères Volfoni, Molinaro a tenté une fois de plus de réunir un duo à la Laurel et Hardy (toutes proportions gardées) avec le petit gros râleur et le grand dadais simplet.

Il faut également citer la jolie performance de Serrault et garder pour la bonne bouche Paul Meurisse. Car je crois que c’est à lui que nous devons les meilleurs moments du film. Il y a chez ce dandy manipulateur une constante dignité, même dans les moments les plus difficiles (« Dans les bérézinas, pas de bassesses, pas de compromis ! Le mépris. » dit-il en prenant la tangente alors qu’il est poursuivi par les individus qu’il a floués). Chacune de ses phrases est un régal où se mêlent un mépris amusé et une élégance cauteleuse.

Il faut l’entendre, goguenard, « engager » Blier et Lefebvre après qu’ils ont tenté de lui vendre cette fameuse médaille du « rayonnement français » : « Je regrette d'interrompre une série aussi prometteuse. Dommage, vous avez de bons physiques. Il se dégage de vous une bêtise lénifiante, une médiocrité sympathique. Eh oui, votre présentation vaut mieux que ce que vous vendez ! »

 

Qu’il séduise une riche veuve ou qu’il entourloupe Serrault (lui aussi est un escroc !), tout est à l’avenant et l’acteur est formidable.

 

Pour toutes ces raisons, ce petit film modeste et moins célèbre que les « tontons » de Lautner, mérite d’être redécouvert…

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