Famille, je vous hais...
Parents (1988) de Bob Balaban avec Randy Quaid. Editions Métropolitain. Sortie le 18 juin 2014
Pour la petite histoire, Parents a été présenté au festival d’Avoriaz en 1989 et faisait partie des films que je rêvais de voir ado, avec le beau et onirique Paperhouse de Bernard Rose, présenté au même festival1. Il m'aura fallu donc patienter 25 ans pour découvrir ce film d'un réalisateur qui s'est ensuite spécialisé dans les séries télé.
Dans les années 50, Michael et ses parents déménagent dans une banlieue pavillonnaire anonyme des États-Unis comme on en trouve chez Tim Burton (Edward aux mains d'argent) ou Lynch (Blue velvet). Le jeune garçon est en proie à de terrifiants et sanglants cauchemars qui mettent en scène ses parents. A l'école, il attire l'attention par son comportement étrange...
La grande réussite du film de Balaban, c'est cette manière qu'il a de montrer un univers quotidien et lisse par les yeux d'un enfant et de lui conférer ainsi une véritable étrangeté. Le cinéaste utilise la plupart du temps des focales courtes et joue sur les contre-plongées pour donner le sentiment d'un espace domestique piégé, immense et inquiétant.
Pour Michael, ses parents sont de véritables étrangers qui se livrent à des pratiques effrayantes. On suppose, dans un premier temps, qu'il les a surpris en train de faire l'amour et qu'il a interprété cette scène primitive par le prisme de son imaginaire d'enfant. D'où le côté monstrueux et traumatique de cet instant. Mais ensuite, on le voit soupçonner ses géniteurs de manger de la chair humaine !
Le film est très malin pour deux raisons. D'une part, parce qu'il opte pour un tableau satirique plutôt bien vu de cette Amérique puritaine des années 50 qui dissimule sous le vernis des conventions sociales toutes les turpitudes imaginables. D'autre part, parce que Balaban parvient pendant un bon bout de temps à faire flotter une certaine part d'indécision. Quelle est la valeur des images que nous voyons ? S'agit-il des visions cauchemardesques de Michael ? S'agit-il de projections mentales d'un enfant qui vit coincé dans son propre univers ? Ou est-ce que ses parents pourraient vraiment être monstrueux ?
A ce titre, la fin qui devient plus explicative et résout ce mystère est un tout petit peu décevante, rendant Parents un peu trop « classique » pour totalement convaincre. Mais à cette réserve près, il s'agit d'un excellent film fantastique, singulier et suffisamment tordu pour séduire.
Rares sont les films qui parviennent à traduire visuellement les angoisses enfantines en conservant un point de vue qui ne soit pas celui de l'adulte. Bob Balaban réussit son pari même si la folie qui finit par gagner tout le récit aurait mérité de rester un petit peu plus ambiguë.
Mais encore une fois, cette œuvre étrange mérite d'être découverte...
1 Remarquons que dans cette édition du festival étaient également présentés Faux semblants de Cronenberg, They live de Carpenter et Monkey shines de Romero !