L’uomo che guarda (le voyeur) (1994) de Tinto Brass avec Katarina Vasilissa, Cristina Garavaglia

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Puisque nous sommes dans l’érotisme jusqu’au cou et en attendant d’autres éventuelles réponses au grand questionnaire qui circule, poursuivons notre chemin par la découverte d’une œuvre relevant de ce noble genre.

Sans être un grand Tinto Brass, L’uomo che guarda est une œuvre très représentative de la conception de l’érotisme cher à l’auteur de la clé et de Caligula. A priori, cet érotisme a tout pour me déplaire, Brass ayant souvent recours à des effets éculés (le permanent halo lumineux qui nimbe les corps comme dans les horreurs estampillées Adrian Lyne/ Zalman King) et ne cherche pas plus que dans n’importe quel porno bas de gamme à justifier la nymphomanie galopante de ses personnages féminins. La femme de chambre du père (la plantureuse Cristina Garavaglia) porte des shorts taille 7 ans, ne ferme jamais ses chemisiers et il suffit dans ce film de poser un regard insistant sur une fille pour qu’instantanément elle écarte les cuisses…

Malgré cela, je tiens toujours Tinto Brass pour l’un des grands maîtres de l’érotisme et l’un des cinéastes les plus tourneboulants lorsqu’il pose son objectif sur un corps féminin. Car si l’irréalisme le plus total est de mise dans ses films, c’est qu’ils relèvent tous du pur fantasme.

Tout comme Fermo posta Tinto Brass, L’uomo che guarda semble uniquement le fruit de l’imaginaire d’un voyeur, d’un homme qui n’aime rien tant que regarder. Le personnage principal du film est un professeur d’université qui tente de résoudre ses problèmes sentimentaux avec sa femme tout en s’adonnant à son exercice favori : le voyeurisme.

Cette thématique renvoie évidemment à la position du cinéaste (qui se mettra lui-même en scène dans Fermo posta Tinto Brass, son Intervista à lui) et à son désir unique : voir les femmes sous toutes leurs coutures. Ce que j’aime chez Brass, c’est qu’il n’aime pas les scènes de « sexe » et qu’il nous épargne le plus souvent ces figures obligatoires d’accouplements mal simulés (nous sommes dans l’univers du « soft », ne l’oublions pas). Ce qui l’intéresse (comme nous le comprenons !), ce sont les corps des femmes que sa caméra caresse amoureusement, en s’efforçant de n’oublier aucun des replis cachés de ces délicieuses anatomies. Il se dégage alors de ces séquences « érotiques » une sensualité qui ne doit pas uniquement à la splendeur des actrices choisies par le maestro (encore que les formes de la divine blonde Katarina Vasilissa « eussent converties à l’hétérosexualité feu  Jean Cocteau et feu André Gide » [Georges Le Gloupier]) mais également à une mise en scène qui parvient à donner forme à un univers totalement fantasmatique, peuplé de créatures célestes qui s’offrent à notre regard pour le plus grand contentement du cinéaste (et le notre !)

Ces dispositifs voyeuristes permettent également au cinéaste de laisser éclater son penchant pour un cinéma baroque où les fenêtres, vitres, miroirs et autres accessoires jouent un rôle primordial (tout comme les angles de prises de vue insolites). Lorsque le héros mate les jeux érotiques de son père avec la femme de ménage, Brass épouse sa vision déformée par le vitrage et donne une véritable intensité à la séquence.

Les thuriféraires du maître s’amuseront d’ailleurs a retrouver des similitudes avec certains passages de La clé et ne manqueront pas de souligner la dimension oedipienne du film puisque notre professeur est hanté par l’image de sa mère nue sous une chemise de nuit presque transparente et en rivalité constante avec un père qu’il soupçonne de coucher avec…sa propre femme.

Cette dimension psychanalytique censée expliquer le « voyeurisme » du personnage n’est pas la plus intéressante du film. Ce qui séduit davantage, c’est son érotisme débridé et cette manière qu’a le cinéaste de rendre cohérent et personnel un univers qui relève uniquement du fantasme, même si ce sont les plus éculés (la soubrette facile, l’étudiante aguicheuse, la plage de nudistes…).

Le résultat est à la fois tonique et revigorant…

 

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