Les vierges de la pleine lune (1973) de Paolo Solvay (alias Luigi Batzella) avec Rosalba Nery, Mark Damon (Editions Artus Films) Sortie le 1er avril 2014

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Karl Schiller recherche depuis de nombreuses années le mythique anneau des Nibelungen conférant à celui qui le possède une puissance inimaginable. Il pense avoir retrouvé sa trace en Transylvanie, au château du comte Dracula. Son frère jumeau, Franz, part également en quête de l’objet mais à des fins personnelles. Arrivés sur place, ils rencontrent chacun à leur tour la veuve du comte : une mystérieuse comtesse qui s’apprête à sacrifier de jeunes vierges…

 

Si je me suis un peu appesanti sur les grandes lignes du scénario, c’est d’abord pour souligner le caractère improbable de l’intrigue qui n’hésite pas à mélanger de nombreux mythes du fantastique : la légende germanique des Nibelungen qui a inspiré aussi bien Tolkien et Wagner que Fritz Lang, le mythe de Dracula mais également celui de la « comtesse sanglante » Erzébet Bathory, célèbre pour s’être baignée dans le sang de ses victimes. Encore plus invraisemblable est la construction totalement brinquebalante du récit : les situations s’enchaînent de manière chaotique et l’on peine à s’y retrouver, d’autant plus que l’impayable Mark Damon interprète deux frères jumeaux.

Réalisé par Luigi Batzella (c’est le premier film que je vois de ce cinéaste) qui traine la réputation d’être une espèce d’Ed Wood italien, adepte de la série Z ringarde et du stock-shot à tout va (nous rêvons néanmoins de découvrir son Nuda per Satana ou son « nazisploitation » Holocauste nazi) ; Les vierges de la pleine lune affiche d’emblée une singularité qui fait tout son intérêt même si elle confine souvent au n’importe quoi.

 

Dans un des suppléments du DVD, Alain Petit prétend que cette œuvre est sans doute son seul film regardable. Il ajoute que certains ont prétendu que la facture assez étonnante des Vierges de la pleine lune était peut-être due à Aristide Massaccesi, le directeur de la photo qui aurait participé activement à la réalisation. Or il se trouve que cet Aristide Massaccesi connaîtra une prolifique carrière de cinéaste sous le pseudonyme de Joe d’Amato. Mais honnêtement, on peine à croire que la « patte » du réalisateur d’Anthropophagus puisse être considérée comme un gage de qualité !

 

Comme dans les films de Jean Rollin, ce n’est pas l’intrigue qui intéresse dans ces Vierges de la pleine lune mais cette manière qu’a le cinéaste de multiplier les visions oniriques et horrifiques comme autant de toiles surréalistes. Si l’on se fiche comme d’une guigne de la quête de cet anneau, de ce mélange entre vampirisme et satanisme ; on est séduit par quelques images fortes qui parviennent à marquer l’esprit. Si le film s’inscrit dans la grande tradition de l’épouvante gothique et joue avec les codes du genre (crypte lugubre, vieille demeure pleine de poussière et de toiles d’araignées, cimetière…) ; il nous offre des visions érotico-horrifiques envoûtantes qui le distinguent des œuvres de la fin des années 60.

Une des plus belles scènes est sans doute celle où la divine Rosalba Nery sort d’une baignoire ruisselante du sang de ses victimes tandis qu’une épaisse fumée envahie le plan. Mais il faudrait également citer la séquence tournée comme un rituel satanique où les vierges sont sacrifiées. Tout concorde (les angles insolites, le montage très rapide, la lumière, les couleurs vives…) pour donner le sentiment d’un grand collage surréaliste et macabre.

 

Ce côté totalement déjanté de la mise en scène donne à ce grand foutoir un charme indéniable même si on peut sourire de la pauvreté du scénario. Si le récit est inepte, on ne pourra pas nier une certaine beauté visuelle à ce film et je défie quiconque de ne pas tomber sous le charme de cette comtesse Bathory des temps modernes.

Inutile donc de préciser, pour conclure, que les amateurs de curiosités déviantes seront aux anges devant cet improbable bijou du « bis »…

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