La crypte du vampire (1964) de Camillo Mastrocinque avec Christopher Lee (Editions Artus Films)

Sortie le 2 octobre 2012

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Sur le papier, le principal attrait de ce petit film fantastique gothique italien est la présence au générique de l'immense Christopher Lee. Inutile de revenir sur la carrière de celui qui immortalisa (après Bela Lugosi) le mythique comte Dracula et qui fit les beaux jours de la Hammer. Parallèlement à ses rôles tournés pour la célèbre firme anglaise, il entama une carrière en Italie qui n'a pas laissé beaucoup de traces dans les mémoires, sauf chez les amateurs de nanars goûtus (nous avions parlé il y a quelques temps du Château des morts-vivants). Il tourna pourtant sous la direction de cinéastes intéressants comme Mario Bava ou Antonio Margheriti.

Dans La crypte du vampire, la surprise vient du fait que le grand comédien n’interprète pas le « vampire » du titre (qui est d'ailleurs davantage un incube) mais un comte tout à fait pacifiste qui cherche à remonter aux origines d'une malédiction familiale (une de ses ancêtres, condamnées comme sorcière, semble toujours hanter les lieux et provoquer des morts violentes). Jouant à merveille de sa distinction aristocratique, Lee parvient, en quelques scènes, à camper un personnage complexe mais « positif ». Il est également le père d'une jeune femme, Laura, en proie à de torturants cauchemars. C'est sur cette héroïne que la malédiction familiale semble planer...

 

La crypte du vampire semble, dans un premier temps, creuser le sillon de l'horreur gothique sans grande originalité. Le spectateur aura le droit au cahier des charges attendus : vieille forteresse isolée ouverte à tous les vents, orages inquiétants, crypte lugubre, personnages menaçants (le vagabond bossu) et décors noyés dans les ténèbres malgré un éclairage à la bougie...Et pourtant, ces poncifs séduisent assez rapidement dans la mesure où le film bénéficie d'une très belle photographie, que le cinéaste (très prolifique, plus de 60 films en 30 ans, mais que je ne connaissais pas du tout) fait preuve d'une belle maîtrise dans la mise en scène (le cadre est recherché et il sait conduire un récit en évitant les longs « tunnels » mollassons qui plombent souvent les séries B) et qu'il a particulièrement soigné ses éclairages. Du coup, l’œuvre baigne dans une belle lumière expressionniste, qui plonge parfois les personnages dans l'obscurité tandis qu'un faisceau lumineux unique va attirer l'attention du spectateur sur un détail (les yeux de Laura, par exemple).

 

D'autre part, Mastrocinque nous offre de temps en temps des scènes oniriques assez étonnantes et qui s'intègrent parfaitement à la narration. Jouant habilement de l'ellipse et du détail évocateur, il parvient à donner à ces passages une véritable intensité. C'est également le cas de ce « flash-back » (plus fantasmé que réel) où l'on assiste à l'exécution de l'ancêtre maudite. Là encore, ce climat « irréaliste » (où les limites entre passé et présent semblent abolies) est fort bien rendu par la mise en scène et certains passages font presque songer aux meilleurs moments des films de Jean Rollin (ces deux jeunes femmes en chemises de nuit qui déambulent dans une nature plongée dans les ténèbres).

Le cinéaste parvient également à napper son film d'une dimension érotique suggérée (nous ne sommes encore qu'à la moitié des années 60) mais réellement prégnante. Une fois de plus, vampirisme rime parfaitement avec érotisme et la jeune femme qui débarque dans la vie de Laura semble devenir plus qu'une amie. Le spectateur réalise alors que La crypte du vampire est une adaptation à peine masquée du célèbre roman de Sheridan Le Fanu Carmilla et qu'il annonce, avec une décennie d'avance, la belle variation sur le mythe qu'entreprendra Jess Franco avec La comtesse noire.

L'incube qui parvient à abolir l'espace et le temps est une belle métaphore du désir et de la passion amoureuse. Mastrocinque l'illustre de manière moins audacieuse que Franco mais parvient néanmoins à faire naître un véritable trouble (en évinçant notamment le jeune premier qui s'annonçait pourtant comme le prétendant amoureux le plus sûr).

 

Cette belle découverte confirme, si besoin était, qu'il y a encore mille pépites à dénicher dans le cinéma « bis » et qu'on ne peut que féliciter les éditions Artus de mener à bien ce travail archéologique salutaire...

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