La sorcière blanche
Le renne blanc (1952) d’Erik Blomberg (Editions Artus)
Toujours friandes de curiosités méconnues, les éditions Artus exhument aujourd’hui ce Renne blanc qui obtint, en 1953, le prix du film légendaire au festival de Cannes (sic !). Avouons que ce n’est pas tous les jours qu’on a l’occasion de voir un film fantastique finlandais et encore moins un film tourné entièrement en Laponie.
Le résultat m’a paru un peu bizarre, pas totalement convaincant en ce qui me concerne mais méritant assurément le coup d’œil.
Le début du récit ressemble un peu à une chronique quotidienne puisqu’on y voit le quotidien d’éleveurs de rennes filmé à la soviétique (exaltation de la vie au grand air, montage rapide…). Une jeune femme née d’une mère « sorcière » rencontre un jeune éleveur et l’épouse. Mais celui-ci doit partir pour suivre la transhumance des troupeaux de rennes. Pirita s’ennuie et décide d’aller chez un magicien pour qu’il lui concocte un philtre d’amour (à base de testicules de rennes !). Après avoir ingurgité le breuvage, notre sorcière doit sacrifier le premier être vivant qu’elle croise et se transforme ensuite en renne blanc…
J’avoue avoir été un peu déconcerté par un récit quasiment sans dialogues et qui effectue un va-et-vient permanent entre une réalité quotidienne filmée au ras des pâquerettes et la légende. Je veux bien croire que Le renne blanc s’inscrit dans une longue tradition finnoise et qu’il brasse un ensemble de croyances ancestrales liées au chamanisme (le bonus de Georges Foveau sur le chamanisme au cinéma est très intéressant), mais j’avoue bien humblement (et très subjectivement) être resté un peu en-dehors de cette histoire qui ne me touche pas.
Autant certaines œuvres surréalistes et légendaires peuvent me fasciner totalement, autant celle-là m’a laissé froid (c’est le cas de la dire) et je ne parviens pas à saisir cet étrange mélange entre vampirisme, chamanisme et légende nordique.
Ces réserves posées, le film impressionne quand même par la beauté de ses images et le véritable sens de la mise en scène de son auteur Erik Blomberg (inconnu au bataillon jusqu’à hier soir !). Le cinéaste joue à merveille des grands espaces et de ses paysages enneigés à perte de vue. D’une certaine manière, Le renne blanc débute un peu comme un « western sous la neige » avec ces hommes conduisant des troupeaux à travers le pays (ce ne sont plus des vaches mais des rennes) tandis que les femmes restent à s’occuper du foyer. Et le chamanisme pourrait faire office de transition entre les films américains et cet OVNI venu du nord puisqu’on retrouve cette pratique chez les indiens d’Amérique (Jarmusch s’en souviendra en tournant son sublime Dead man).
De la même manière, certains passages fantastiques se révèlent tout à fait fascinants et Blomberg parvient à saisir parfaitement la beauté insolite de ce renne blanc solitaire courant dans la nature. Dans la mesure où ça n’est pas toujours le cas, signalons que les éditions Artus proposent ici une copie d’une excellente facture, rendant justice à une photographie absolument magnifique (le film est en version originale et dispose de sous-titres français, anglais ou espagnols).
Reste que cette histoire de sorcière qui se transforme en renne m’est un peu passée au-dessus de la tête. Dans la mesure où j’ai pu constater en farfouillant sur Internet que les critiques étaient plutôt très élogieuses, je m’en voudrais d’assassiner une œuvre qui, de toute manière, ne le mérite en aucun cas. Sans doute faudra t-il que je me replonge dedans un jour où je serai plus sensible aux attraits du chamanisme et des contes nordiques.
Pour l’heure, il me reste en mémoire quelques plans époustouflants et le souvenir d’une très belle photographie en noir et blanc.