La vengeance est un plat qui se mange froid
L'heure de la vengeance (1952) de Lesley Selander avec Richard Conte (Editions Sidonis-Calysta). Sortie le 25 novembre 2013
Si les éditions Sidonis Calysta n'existaient pas, on se demande où le cinéphile curieux pourrait encore découvrir les westerns de séries B que produisirent en quantité considérable les studios d'Hollywood. Grâce soit rendue à cet éditeur de DVD qui, vaille que vaille, exhume régulièrement des œuvres tombées dans l'oubli.
L'heure de la vengeance (The raiders) m'intriguait dans la mesure où ce film est signé Lesley Selander, prolifique artisan qui réalisa quelques films fantastiques et de science-fiction (Flight to Mars) qui lui permirent de figurer dans le premier volume de Ze craignos monsters que Jean-Pierre Putters dédia au « cinéma bis ».
Mais c'est dans le western que Selander s'illustra principalement puisqu'il en réalisa plus de cent entre 1936 et 1967 ! D'après Putters, ces films de série B reposent toujours sur les mêmes schémas simplistes et immuables. Et force est de constater que L'heure de la vengeance ne déroge pas à la règle puisque s'y affrontent classiquement le clan du maire et de ses sbires violents, capables de tout pour mettre la main sur un gisement d'or, et de pauvres individus expropriés violemment.
Ce qui frappe d'emblée, c'est la cruauté du film. Un vieil homme se fait tuer par des hors-la-loi sans scrupules et ces derniers poursuivent leurs méfaits en assassinant la femme de Richard Conte et son frère. A partir de là se déclenche le mécanisme de la vengeance annoncé par le titre français.
Putters, dans son ouvrage, écrit « Cinéaste d'une grande humilité, Lesley Selander signe une humble carrière et laissera un humble souvenir. Juste logique des choses. » Eh bien c'est paradoxalement cette humilité qui fait le charme et les limites de L'heure de la vengeance.
Le charme vient du côté artisanal de la chose : le récit est cousu de fil blanc et la mise en scène manque d'ampleur mais il y a un certain talent pour le bricolage et ces conventions qui séduisent toujours les amateurs de western : fusillades, vol de diligence, bandits très cruels...Selander nous propose même une très jolie séquence où Conte et ses complices volent un troupeau de chevaux à l'affreux maire dont ils veulent se venger. La cavalcade est joliment filmée et le plan où les animaux dévalent une pente (l'un d'entre eux chute) est assez impressionnant.
Les limites de l’œuvre viennent également de son caractère « humble ». Si Selander amorce une petite réflexion sur la violence et sur l'opposition entre la loi fédérale (le film se situe juste avant le moment où la Californie rejoint l'Union) et la loi du talion, il ne va pas très loin dans cette direction et à du mal à peaufiner des personnages un peu trop monolithiques pour vraiment intéresser. Du coup, L'heure de la vengeance s'installe dans une sorte de routine dont le cinéaste peine à sortir.
Encore une fois, ce type de film vaut surtout comme curiosité et pour avoir une vision plus globale d'un genre qui fut beaucoup plus contrasté qu'on veut bien l'imaginer (il n'y eut pas seulement Ford et Hawks!).
S'il n'est pas inoubliable (loin de là!), il n'a rien de désagréable et siéra sans doute aux amateurs du genre que n'effraie pas la série B...