Le cinéma en fiches
Les grandes idées qui ont révolutionné le cinéma (2012) de David Parkinson. (Éditions Dunod. 2014). Sortie le 15 octobre 2014
Dans mon esprit, les éditions Dunod sont associées à des ouvrages très généraux sur le tourisme, le marketing voire à quelques livres d'exercices de chimie ou de physique. J'ignorais qu'elles publiaient également des ouvrages sur le cinéma. Ces Grandes idées qui ont révolutionné le cinéma s'apparente davantage à un manuel pratique qui résumerait de manière concise l'histoire et les évolutions du septième art.
Est-il possible de réduire l'histoire du cinéma, que ce soit ses courants, ses genres, ses innovations techniques, à un ensemble de cent fiches ? Pari audacieux pour David Parkinson et pari qui ne tient malheureusement pas toutes ses promesses.
J'avoue que j'appréhende parfois un peu la vision « anglo-saxonne » de l'histoire du cinéma qui se réduit, la plupart du temps, à une histoire d'Hollywood et à quelques titres phares des cinématographies des autres continents. Parkinson évite cet écueil et prouve qu'il connaît aussi bien le « cinéma primitif » que le cinéma indien, le cinéma européen (il cite même Gérard Courant!) ou asiatique.
Mais très vite, on se demande à qui s'adresse son ouvrage. Pour les cinéphiles ou les spécialistes, il n'apportera rien de bien nouveau et sa forme même empêche tout développement intéressant. Quant aux néophytes qui voudraient se plonger un peu dans l'histoire du cinéma, il est probable qu'ils se sentent un peu perdu par le caractère souvent allusif des informations ou qu'ils butent sur des informations imprécises ou peu claires (l'effet Koulechov, par exemple, est très mal expliqué).
A titre d'exemple, on peut citer de nombreux extraits où ce qui est avancé est curieusement formulé voire faux : « Dans A practical joke (1898) de G.A. Smith, remake en un seul plan de L'arroseur arrosé (1895) de Louis Lumière...» (j'ignorais que le film des Lumière possédait plus d'un plan!) ou lorsque l'auteur affirme que Les anges déchus de Wong Kar-Wai est la « suite » de Chungking express (ah bon?).
Parfois, on se demande si le côté confus de certaines fiches ne vient pas de la traduction. Un exemple entre cent se trouve dans la double-page consacrée au montage. On peut y lire : « A Hollywood, le montage est repris dans des films tels que Citizen Kane (1941) ou Rocky (1976)... » ou, plus loin « Alfred Hitchcock, Francis Ford Coppola, Brian de Palma et Oliver Stone ont tous une dette à l'égard du montage... ». Je ne sais pas si le terme anglais traduit ici par « montage » a plusieurs sens mais dans les phrases que je viens de citer, cela ne veut strictement rien dire puisque tous les films font appel à la technique du montage (à de rares exceptions près). Et l'on retrouve également un des travers de l'auteur : faire des raccourcis historiques qui n'ont guère de sens et généraliser de manière systématique (la plupart des fiches nous montrent comment les blockbusters actuels ne font que reprendre ou trahir les innovations d'autrefois).
Par ailleurs, les amateurs apprécieront, par exemple, les remarques sur les blockbusters qui « ont contribué à l'infantilisation du cinéma » ou qu' « Osamu Tezuka, créateur d'Astro Boy, ou Hayao Miyazaki, récompensé aux Oscars pour Le voyage de Chihiro (2001), optent pour un style divertissant, inspiré des mangas. » (sic)
Cette imprécision dans les termes employés, cette manière de schématiser à l'extrême constituent, à mon avis, les défauts majeurs de l'ouvrage. On pourrait me rétorquer qu'il s'agit d'un livre de vulgarisation, qu'il est très difficile de faire concis et que chaque fiche pourrait donner lieu à un essai complet. Certes, mais il me semble que la forme elle-même est un peu fouillis (on passe d'une fiche sur le cinéma expérimental à une fiche sur le parlant puis sur la bande-originale et la postsynchronisation) et que le travail de « vulgarisation » n'est pas très solide. Dans le genre, on préférera le petit ouvrage intitulé Le cinéma dans la collection Repères pratiques chez Nathan : le panorama est certes très réducteur mais ce système de fiches est beaucoup mieux organisé (avec des approches historiques, thématiques, pratiques et techniques) et les informations sont plus claires et précises.
Il y a néanmoins une chose à mettre au crédit du livre de David Parkinson : ce sont les illustrations. Les cent fiches tiennent, à chaque fois, sur une double-page et elles sont assez superbement illustrées, parfois avec des images assez rares (une très belle de photo de Chaplin jeune en compagnie de Mack Sennett, par exemple).
L'ouvrage est donc assez beau à feuilleter mais un peu frustrant lorsqu'il s'agit de se plonger dans son contenu...