Les enfants terribles
Devil five times (1974) de Sean MacGregor avec Gene Evans (Editions Artus Films)
Poursuivons notre exploration des curiosités du cinéma d'horreur américain des années 70 exhumées par les toujours très inspirées éditions Artus. Puisque nous évoquions il y a peu The killing kind, soulignons d'emblée que Devil five times se situe un cran en-dessous. D'abord en raison d'un récit un tantinet confus et pas forcément très original (une bande d'adultes réunis dans un chalet à la montagne pour les vacances se fait massacrer par des tueurs psychopathes) et d'une mise en scène qui fleure bon, à certains moments, le cinéma d'exploitation bas de gamme (ce qui nous vaut néanmoins un de ces sympathiques crêpages de chignons entre gentes damoiselles dont je raffole).
Le film n'aurait même pas le moindre intérêt s'il n'était porté par une idée forte et assez rare au cinéma (faisons exception du village des damnés) : les tueurs fous sont, ici, des enfants. Et pour le coup, ces enfants évadés d'un asile psychiatrique sont totalement ravagés et finissent par provoquer un carnage final aussi glauque que sanglant (un bon point pour l'utilisation de piranhas comme arme du crime!). Mis à part ce climax d'une vingtaine de minutes, le film paraît peut-être un tantinet longuet. Mais lorsque arrivent les choses sérieuses, les amateurs du genre goûteront sans aucun doute au caractère vraiment malsain et perturbant de ce massacre. Même le petit Damien de La malédiction paraît fort sympathique en comparaison avec ces petits monstres sans aucune sensibilité et peu effrayés par la vue du sang.
Encore une fois, on regrette le caractère un peu bricolé de l'ensemble. La mise en place du récit est plutôt laborieuse et le réalisateur (Sean MacGregor, illustre inconnu en ce qui me concerne) abuse d'effets pas très heureux (scènes entières tournées au ralenti, arrêts sur image suivis d'un zoom...). Par la suite, le film trouve son rythme de croisière et réjouit surtout (encore une fois!) par une fin bien délirante et sans aucune lueur de « happy end ».
C'est peut-être cet aspect qui m'a le plus intéressé et qui rejoint finalement, toutes proportions gardées, les préoccupations des grands films d'horreur du début des années 70 (La dernière maison sur la gauche, Massacre à la tronçonneuse...) : un indécrottable pessimisme confinant au nihilisme. Un film comme Les chiens de paille (Peckinpah) montrait déjà une Amérique en crise et en plein doute, où la violence s'infiltrait jusqu'au foyer. Chez Wes Craven et Tobe Hooper, c'est la famille – socle primordial de la société américaine- qui était remise en cause avec ces incroyables portraits de dégénérés (La colline a des yeux, Massacre à la tronçonneuse...).
Ici, c'est la proverbiale « innocence » des enfants qui se trouve bafouée et MacGregor offre un tableau volontiers nihiliste d'une société qui n'a finalement engendré que des monstres.
Sans être un chef-d’œuvre (loin de là !), Devil five times témoigne d'une époque où le cinéma horrifique se permettait des avancées assez troublantes du côté de la noirceur et d'une remise en cause radicale de tous les fondements de la civilisation américaine...