Le jour de la haine (1968) de Giovanni Fago avec Gianni Garko, Claudio Camaso. (Éditions Artus Films) Sortie le 4 mars 2014

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Après Le Temps des vautours, l'impassible Gianni Garko (mélange improbable entre Clint Eastwood et Terence Hill) affronte une nouvelle fois Claudio Camaso (le petit frère de Gian Maria Volonté). Si l'obscur Giovanni Fago (parmi les amateurs du cinéma italien, quelqu'un pourrait-il me donner plus de précision sur ce réalisateur ? Des titres à me recommander?) remplace Romolo Guerrieri derrière la caméra, la construction dramatique est quasiment identique dans les deux films.

Gianni Garko (John Forest) incarne à nouveau un chasseur de prime impitoyable. Après sa première « mission », il va poursuivre un terrible ennemi en la personne de Claudio Camaso. Comme dans Le temps des vautours, il va d'abord s'allier à cet adversaire avant de finir par se retourner contre lui lorsque les bornes auront été franchies.

La seule chose qui change et qui fait l'originalité du Jour de la haine, c'est que cet adversaire n'est autre que le propre frère de John. Ce western qui recycle à nouveau les thèmes classiques de la trahison et de la vengeance nous propose donc un véritable récit biblique évoquant l'histoire de Caïn et Abel. Cette lutte fratricide plonge dans une histoire familiale complexe que le cinéaste évoque le temps de quelques flash-back curieux : Clint, l'aîné, a tué son père et a accusé son frère (en fait, demi-frère) qui écopera de 10 ans de prison pour un acte qu'il n'a pas commis.

Mais contrairement à Django dans Le temps des vautours, John n'a pas tout à fait le profil d'un aventurier sans foi ni loi. Il possède un certain sens « moral » et reste loyal par rapport à une promesse faite à sa mère : ne pas tuer son frère. J'allais dire que ce côté plus « lisse » du personnage principal fait que le film me paraît un tout petit peu moins réussi que le précédent. Encore une fois, c'est la mort de la femme aimée qui fera basculer le récit du côté de la vengeance et l'on aura droit à une scène finale presque similaire à celle du Temps des vautours : ville abandonnée, vent qui souffle et fait voler la poussière, duel fratricide avec la réplique cinglante qui sied au genre (« l'enfer, c'est de ce côté »)...

 

Si on peut reprocher au Jour de la haine quelques flottements en son milieu (j'avoue que j'ai parfois un peu décroché), le film est efficace et plutôt bien mené. Fago ne peut s'empêcher d'emprunter à Leone la grammaire immuable qu'il semble avoir instaurée (musique lancinante, gros plans sur les yeux, personnages hiératiques et mutiques, violence exacerbée et « saleté » revendiquée...) mais cela donne quelques séquences très bien tournées où la nervosité du style (raccords sur des zooms rapides) dynamite les conventions du genre.

La séquence d'ouverture, par exemple, est admirable. Quatre malfrats (dont l'un est joué par le fameux Fernando Sancho) arrivent devant une église. La caméra effectue un long et lent travelling sur les éperons des hommes juchés sur leurs chevaux que nous voyons de dos et depuis le ras du sol. Quand ils pénètrent dans l'église, ils découvrent quatre cercueils... à leur nom ! Je ne décris pas la manière dont John va les exécuter un par un mais cette séquence représente un peu la quintessence de ce qu'on peut aimer dans le western italien : un certain humour noir et une manière très inventive de réinventer des situations convenues (le chasseur de prime qui descend ses proies) par une mise en scène astucieuse.

Tout n'est pas de cet acabit mais l'ensemble tient plutôt bien le coup. Claudio Camaso en fait un peu moins que dans Le temps de vautours et il faut reconnaître à Gianni Garko un certain charisme. La scène où il se détache lui-même alors qu'il est attaché la tête en bas est un moment de bravoure assez réussi bien que totalement incroyable (mais qui a dit qu'un western devait être « crédible »?).

 

Amateurs de gueules burinées, de grands espaces, de règlements de compte à coup de colts, de sable soulevé par le galop des chevaux : Le jour de la haine est fait pour vous !

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