Coffret Les dinosaures attaquent (Editions Artus Films)

 

The beast and the hollow mountain (1956) d'Edward Nassour

King Dinosaur (1955) de Bert .I. Gordon

Lost continent (1951) de Samuel Newfield

The two lost worlds (1951) de Norman Dawn

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Pour être tout à fait honnête, ce qui séduit le plus dans ce très beau coffret consacré aux films de dinosaures (une fois de plus, louons l'heureuse initiative des excellentes éditions Artus), ce sont les quatre courts-métrages (muets, évidemment) réalisés sur le sujet par Willis O'Brien entre 1915 et 1918. Celui qui deviendra célèbre après avoir concocté, entre autres, les effets-spéciaux magiques de King Kong (Cooper et Schoedsack- 1933) réalise ici de courtes fantaisies mettant en scène des hommes préhistoriques et diverses bestioles improbables. The dinosaur and the missing link (1915) est un film d'animation où O'Brien fait bouger ses créatures de glaise en ayant recourt au procédé Claymotion (les figurines sont animées image par image). Il poursuivra dans cette voie avec Prehistoric poultry (1916) où apparaissent de curieuses volailles monstrueuses et avec RFD, 10000 BC (1916) où un facteur facétieux (sa carriole est tirée par un brontosaure) échange des lettres de Saint-Valentin. The ghost of Slumber Mountain (1918) n'est plus un film d'animation mais un conte où un oncle raconte à ses petits neveux comment un spectre est venu le hanter et l'inviter au sommet d'une montagne pour contempler une terre mystérieuse où vivent toujours des dinosaures. Même si le film mériterait un petit toilettage (la photo est parfois sous-exposée), on reste émerveillé devant ces effets-spéciaux naïfs et ce bestiaire préhistorique féerique.

 

Beaucoup plus tard dans sa carrière, Willis O'Brien écrivit des scripts mêlant science-fiction et western. Malheureusement, le tournage de Gwangi qu'il était en train de réaliser est interrompu en 1942 par la RKO. Les scènes d'animation déjà tournées seront intégrées un peu plus tard au film de Schoedsack Monsieur Joe) et le film se fera finalement en 1969 avec James O'Connolly à la réalisation et Ray Harryhausen aux effets-spéciaux (La vallée de Gwangi).

Un autre scénario d'O'Brien, mélangeant toujours SF et western, sera tourné en 1956 par Edward Nassour (pour la version anglaise) et Ismael Rodriguez (pour la version espagnole) : The beast and the hollow mountain.

Dans un premier temps, le spectateur est surpris : le film ne relevant pas du tout du genre fantastique mais bel et bien du western de série B avec rivalité entre cow-boys et disparition mystérieuse de bétail. Sans être exceptionnel, le film est d'une facture tout à fait honnête avec son Scope qui magnifie les paysages et une photographie chatoyante assez typique de ces années « Technicolor ». Au bout de quelques temps, on réalise qu'au cœur de la montagne se niche un tyrannosaure de la plus belle espèce et qu'il est le seul coupable des disparitions bovines. Si son apparition se fait un peu attendre et risque de frustrer les amateurs du genre, le cinéphage avide de séries B improbables regardera avec amusement ces trucages d'une autre époque (il s'agit d'animation image par image). Pas inoubliable mais quand même très largement supérieur au Jurassic Park de Spielberg !

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Dans Two lost worlds, les dinosaures se font également attendre et le film relève davantage du film d'aventures que du fantastique. Norman Dawn (inconnu au bataillon mais qui semble être l'un des premiers cinéastes à avoir utilisé le procédé de la transparence et du décor peint) parvient en à peine une heure à filmer deux attaques de pirates, une course poursuite jusqu'à une île mystérieuse, une confrontation avec des monstres préhistoriques et une explosion volcanique !

L'aspect purement fantastique déçoit plutôt puisqu'on doit se contenter d'un simple combat entre un crocodile (à qui on a ajouté une crête) et un iguane filmé de très près pour faire croire à son gigantisme. Par ailleurs, le film est plombé par une incessante voix-off emphatique qui rappelle parfois les nanars d'Ed Wood. En revanche, les séquences d'action en mer sont plutôt plaisantes et pas mal filmées. Une curiosité.

Bert I. Gordon (alias Mr. BIG) est l'exemple même du cinéaste portant bien son nom puisqu'il n'a cessé dans son œuvre de mettre en scène des hommes (The Cyclops, L'épée enchantée, Village of the giants...) et des bêtes (Serpent Island, King dinosaur) atteints de gigantisme.

King dinosaur débute comme un film de SF puisqu'un équipage d'astronautes échoue sur une planète inconnue qui ressemble fort à la terre. Il continue comme un film de jungle puisque nos héros sont confrontés à de dangereux animaux (un serpent belliqueux et un crocodile que l'un des personnages immobilise dans un combat à la main assez splendouillet!). Enfin, il se termine en fantaisie fantastique lorsque arrive tout le bestiaire préhistorique. Là encore, le budget réduit de cette série Z rend les effets-spéciaux assez risibles mais le résultat est diablement sympathique d'autant plus que King Dinosaur relève de ce cinéma bis qu'on aime pour ses incohérences et son utilisation des stocks-shots. Je ne peux pas m'empêcher de vous révéler la fin puisque nos héros viendront au bout du péril dinosaurien par le biais d'une bombe atomique qu'ils transportaient... dans un petit attaché-case !

 

Encore plus improbable, Lost continent de Sam Newfield, à ne pas confondre avec le film du même nom réalisé par Michael Carreras en 1969. Sam Newfield est l'un des réalisateurs les plus formidablement incompétents de toute l'histoire du cinéma et l'amateur de nanars goûtus se pourlèche encore les babines lorsqu'il songe à Nabonga  (invraisemblable histoire de jeune femme perdue dans la jungle depuis son plus jeune âge et élevée par des singes mais qui arbore toujours un impeccable brushing et n'oublie jamais son sac à main!) ou à Terror of Tiny Town, western interprété uniquement par des nains !

Il s'agit ici de suivre une mission de scientifiques et militaires chargés d'aller récupérer un missile ayant atterri malencontreusement sur une île du pacifique, au sommet d'une montagne volcanique. Notre équipage débarque dans une jungle (du coup, tout le film est teinté en vert) et devra affronter divers monstres préhistoriques. Difficile de faire plus « cheap » que Lost continent. Sam Newfield a souvent recours aux stocks-shots et à une animation image par image bien pâlichonne. Les procédés de transparence sont de rigueur mais finalement peu utilisés puisque jamais un être humain n'entrera dans le même plan qu'un dinosaure (le cinéaste viole allègrement la loi du « montage interdit » cher à Bazin!).

 

Extrêmement poussif, le film n'en conserve pas moins un certain charme antédiluvien. Celui d'une époque où le cinéma avait tout à voir avec l'enfance et les rêves. Ces créatures sont sans doute passées de mode aujourd'hui à l'heure de la 3D et du numérique mais leur fragilité, leur maladresse nous touchent toujours.

Pour peu qu'on garde ses yeux d'enfant, le coffret « Les dinosaures attaquent » se savoure avec une indéniable délectation...

 

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