Pain, amour et fantaisie (1953) de Luigi Comencini avec Gina Lollobrigida, Vittorio de Sica (Editions Carlotta) Sortie en DVD le 4 septembre 2013

 paneamore-e-fantasia.jpg

 

Le premier mot qui vient à l'esprit en découvrant Pain, amour et fantaisie, c'est « charme ». Luigi Comencini signe ici un film d'une grande légèreté, filmant avec tendresse et empathie les mœurs d'une petite communauté villageoise perdue au cœur des Abruzzes.

Le maréchal des logis Antonio Carotenuto (De Sica) est affecté dans cette bourgade reculée et il tombe sous le charme de Fantassine « la piquante » (Gina Lollobrigida). Mais celle-ci est tombée amoureuse d'un carabinier timide, qui n'ose pas la regarder en face...

 

Avouons d'emblée que le film a un peu vieilli et que sa fantaisie paraît aujourd'hui un peu désuète. Mais son grand intérêt est historique car Pain, amour et fantaisie témoigne de la manière dont le cinéma italien a intégré le grand mouvement « néoréaliste » d'après-guerre pour le faire évoluer vers autre chose.

D'une certaine façon, le film s'inscrit toujours dans la veine néoréaliste dans la mesure où il met en scène le petit peuple italien, celui qui n'a que la « fantasia » pour mettre dans son pain. Si Comencini sourit parfois des travers de ces humbles gens qui aiment à ragoter et qui restent pétris de superstitions, il les filme également avec une infinie tendresse et dévoile leur grandeur de cœur. A l'âpreté des films de Rossellini succède ici une vision réconciliatrice et émolliente de l'humanité dans le besoin1. Du curé solidaire aux mères de famille bien décidées à favoriser les mariages de leurs enfants, tout le monde est sympathique excepté l'usurier qui s'enrichit sur la misère des autres. Si le tableau de fond (plutôt bien dessiné, d'ailleurs) est réaliste, le propos est totalement idéalisé mais c'est également ce qui fait l'agrément de l’œuvre. C'est aussi pour cela que certains n'ont pas hésité à parler de « néoréalisme rose ».

Un des personnages les plus symptomatiques de cette version « optimiste » du néoréalisme, c'est celui de Fantassine, la jeune fille qui n'a pour vivre que son âne et qui va à travers les bois pour cueillir des fraises ou voler des prunes. La splendide et juvénile Gina Lollobrigida évoque moins les héroïnes tragiques de Rossellini (Magnani, Bergman) que la plantureuse Silvana Mangano dans Riz amer de De Santis. Des filles du peuple, Comencini (comme De Santis) loue la sensualité débordante et un franc-parler tout à fait réjouissant.

La comédienne porte Pain, amour et fantaisie sur ses épaules. Elle donne la réplique à un De Sica parfait dans le rôle d'un vieux beau un peu déboussolé par toutes les beautés qu'il rencontre dans ce village (la morale sera sauve : il aidera Fantassine a se mettre en couple avec le jeune homme de son âge et trouvera l'amour, quant à lui, auprès d'une sage-femme un peu plus âgée).

 

L'abattage des deux comédiens, le tableau idéalisée d'une petite communauté villageoise, la mise en scène classique mais solide de Comencini (cinéaste inégal) font l'intérêt de Pain, amour et fantaisie et explique sans doute que ce film fut un grand succès et donnera lieu à une suite (Pain, amour et jalousie).

D'une certaine manière, on peut se demander si il ne s'agit pas également d'une œuvre de transition entre la noirceur brute du néoréalisme et les grandes heures de la comédie italienne qui reprendra aussi cette manière de s'inscrire au cœur du peuple mais pour livrer une vision beaucoup plus sarcastique, cynique et noire de l'existence.

 

Comencini opte pour une sorte d'unanimisme qui fait à la fois chaud au cœur même si cette dimension optimiste et sans aspérité donne à son œuvre un petit côté anachronique, pas forcément désagréable mais un peu démodé...


1 Cette vision idéalisée du peuple peut parfois avoir de gros défauts puisque les cinéastes, en filmant les côtés « sympathiques » de la pauvreté, se complaisent aussi dans un certain paternalisme et louent finalement l'ignorance et la résignation. Dans le genre, je ne citerai que l'immonde Miracle à Milan de De Sica...

Retour à l'accueil