Oh les nains !
Blanche-Neige, le prince noir et les sept nains (1951) de Paolo Tamburella avec Rossana Podesta, Georges Marchal (Editions Artus Films)
Aucune promiscuité ne vous sera décidément épargnée puisque après avoir évoqué un film exclusivement réservé aux adultes, nous allons maintenant nous adresser aux plus jeunes d’entre vous ou, pour le dire avec la confondante niaiserie des punaises médiatiques d’aujourd’hui, « à ceux qui ont su garder une âme d’enfant ».
Pour Noël, les excellentes éditions Artus ont délaissé (ô tristesse !) les femmes en prison ou les savants fous pour nous proposer deux contes dans l’esprit de cette période de fêtes (je vous parlerai prochainement du Pirate des mers du sud).
Je ne vous ferai pas l’affront de vous présenter le fameux conte de Grimm (au cas où il ne vous serait pas familier, vous pouvez toujours vous reporter à la longue analyse de Pierre Dubois en bonus du film qui s’avère fort intéressante mais qui n’aborde malheureusement jamais la question des adaptations cinématographiques de Blanche-Neige) mais je dois aussi vous avouer bien humblement que je n’avais jamais entendu parler de cette version italienne (oserai-je même vous confier que je n’ai jamais vu le dessin animé de Disney ?).
Si tous les personnages du conte répondent à l’appel (la belle Blanche-Neige, le prince charmant et les sept nains facétieux), ce long-métrage n’a rien à voir avec le célèbre récit et nous n’aurons pas droit à la reine jalouse de la beauté de l’héroïne ni au miroir qui dit la vérité. Chez le mystérieux Tamburella (jamais entendu parler de cet homme auparavant et une recherche rapide sur IMDB nous apprend qu’il n’a tourné que trois long-métrages avant de mourir prématurément), le conte se transforme davantage en film de cape et d’épée où Blanche-Neige se fait kidnapper par le vilain prince noir (interprété par Georges Marchal) et où les nains échafaudent une équipée pour aller délivrer la jeune femme.
Le cinéaste joue sur trois registres : l’aventure, la comédie et le merveilleux.
Avouons le franchement, la dimension aventureuse du film est ce qui a le plus mal vieilli. Difficile de ne pas sourire devant ces princes ringards qui rappellent les nanars franchouillards signés André Hunebelle ou Pierre Gaspard-Huit avec Jean Marais en collant ! De plus, la mise en scène poussive peine à imprimer un rythme au récit. Je ne sais d’ailleurs pas si ça vient de la copie ou d’un monteur aviné mais on ne compte plus les sautes d’images dans ce film et les raccords hasardeux.
L’aspect comique du film est pris en charge par les nains dont les facéties durent faire beaucoup rire nos grands-parents. Aujourd’hui, à une ou deux exceptions près, on a du mal à sourire en découvrant leurs maladresses et leurs chutes inopportunes.
Reste la dimension merveilleuse, malheureusement pas assez développée mais qui fonctionne encore pas mal. Les décors sont plutôt jolis et se révèlent parfois gentiment insolites. De la même manière, Tamburella nous réserve une très belle séquence où les nains se retrouvent dans un univers fantasmagorique avec de jolies jeunes femmes en tenues sophistiquées qui évoquent aussi bien le Voyage dans la lune de Méliès (toutes proportions gardées !) que les tenues de Jean-Paul Gaultier.
Malheureusement, le film ne s’engouffre pas assez dans cette voie fantaisiste alors que le Prince noir bénéficie de grands pouvoirs (il fait s’abattre une tempête sur les nains après les avoir contraints à marcher sous un soleil caniculaire).
Reste alors, malgré tout, un petit charme kitsch et désuet qui ravira sans doute les amateurs de curiosités antédiluviennes et les enfants pas encore trop rompus aux rythmes effrénés des dessins animés contemporains (je ne pense pas que cela existe encore mais je ne désespère pas totalement puisque j’ai réussi à faire rire aux larmes mon petit neveu avec des films d’Harold Lloyd !).