Minuit à Paris (2010) de Woody Allen avec Owen Wilson, Rachel McAdams, Marion Cotillard, Léa Seydoux, Carla Bruni

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Je n’apprendrai rien à personne en clamant une fois de plus mon attachement acharné au cinéma de Woody Allen. Il m’est même arrivé ces dernières années de m’opposer fermement à certains collègues et amis internautes pour défendre becs et ongles ces merveilles que sont Whatever works et Vous allez rencontrer un bel et sombre inconnu.

De la même manière, j’ai tout de suite eu envie de défendre Minuit à Paris, surtout lorsque certains articles idiots (pour une fois, je suis d’accord avec Michel Ciment : l’article des Inrockuptibles auquel je songe dépassait la mesure de la connerie satisfaite !) se sont attaqués au film sans l’avoir vu et sur de simples préjugés bien-pensants (c’est tellement de « gôôôôche » de dire du mal d’une œuvre où apparaît –trois minutes tout au plus- la potiche du président de la République !).

Et bien ce qui devait arriver arriva : le dernier film en date de Woody Allen m’a un peu déçu alors que toute la critique est plutôt unanime (même les Inrocks, paradoxe piquant !).

 

Ça a beaucoup été dit partout : pour Minuit à Paris, le cinéaste filme la capitale française comme une succession de cartes postales désuètes. Pour ma part, je ne trouve pas que cela pose problème dans la mesure où c’est le sujet même du film : l'histoire d’un écrivain américain (Gil, incarné par un excellent Owen Wilson) qui s’apprête à se marier et qui se réfugie dans une image fantasmée et idéalisée de Paris (en gros, le Paris des Années Folles et de la Bohème artistique).

Dans La rose pourpre du Caire, une petite serveuse fuyait la réalité du monde en allant au cinéma et finissait par « entrer » dans l’écran. Ici, quand sonne les douze coups de minuit, une voiture vient chercher Gil et l’emporte pour un voyage dans le temps au cœur même de cette bohème artistique. Il fera connaissance avec Scott et Zelda Fitzgerald, Hemingway, Cole Porter, Picasso et d’autres encore.

Reprocher à Woody Allen sa vision très stéréotypée de Paris reviendrait à critiquer la vision irréaliste de la ville filmée par Minnelli dans Un américain à Paris. Nous sommes dans un univers de conte permettant à Woody Allen de renouer avec sa thématique favorite : l’opposition entre le rêve et la réalité et la supériorité de l’illusion sur la médiocrité du quotidien (voir la fiancée de Gil, personnage dénué de tout romantisme et qui représente tout ce que le cinéaste déteste : un côté matérialiste, superficiel et clinquant).

Pour le cinéaste comme pour son personnage, le Paris « années folles » est un moyen de nier son époque, de puiser de nouvelles ressources à la fois sentimentales (il s’amourache d’Adriana –Marion Cotillard- une jolie modèle posant pour tous les artistes d’avant-garde, de Modigliani à Picasso) et « artistiques » (il reçoit des conseils d’Hemingway et confie son manuscrit à Gertrude Stein). 

Ce passage permanent d’une époque à une autre ne manque pas de charme. Woody Allen excelle à recréer un Paris « début de siècle » et une atmosphère baignée de musiques d’antan (Bechet, Porter…) et de couleurs chaudes (l’ocre domine). Pourtant, ce perpétuel va-et-vient a un petit côté systématique qui lasse parfois un peu. De la même manière, ce qui séduisait dans La rose pourpre du Caire était la propension du cinéaste à donner une véritable épaisseur romanesque à son récit. Du fait que les personnages que rencontre Gil soient célèbres, Minuit à Paris a parfois tendance à se figer en une sorte de musée Grévin pas toujours enthousiasmant. Certes, il y a des moments fort réussis (une rencontre très drôle avec Dali) et des idées qui réjouiront les spectateurs cinéphiles (Gil donnant à un Buñuel pour le moins perplexe l’idée de L’ange exterminateur) mais tout cela sent parfois un peu la poussière.

 

Ce qui déçoit le plus dans Minuit à Paris, c’est sans doute cette incapacité (assez inédite chez lui) de Woody Allen à donner un peu de chair à ses personnages, à faire naître de véritables situations romanesques. Les personnages que côtoie Gil sont des silhouettes à peine esquissées et restent assez caricaturaux. Seule cette jeune brocanteuse incarnée avec beaucoup de grâce par l’évanescente Léa Seydoux permet au cinéaste de faire vibrer sa fibre ultra romantique et de nous offrir quelques moments de grâce pas indignes de Manhattan (la pluie est toujours chez Woody Allen un déclencheur du sentiment amoureux –Cf. Alice, entre autres). 

 

Plus intéressant également est cette légère pointe d’ironie que donne le cinéaste à son film en montrant que le passé représente toujours, quelque soit l’époque, une sorte d’âge d’or fantasmé et qu’il n’est qu’un moyen de fuir la réalité présente. Ainsi, Adriana n’aime pas les années 20 dans lesquelles elle vit et ne jure que par la Belle Epoque où elle sera projetée le temps d’une scène très amusante avec Toulouse-Lautrec, Degas et Gauguin qui confient leur nostalgie de…le Renaissance ! (Cet emboîtement d’époques donnera aussi lieu à un gag savoureux où apparaît très brièvement Gad Elmaleh) 

 

Finalement, Woody Allen n’est pas dupe : le déni de la réalité et le refuge dans un passé fantasmé sont un leurre. Reste alors le miracle d’un cinéma capable de nous offrir le temps d’une parenthèse enchantée l’illusion d’un monde meilleur…

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