Un nouveau monde perdu
L’île inconnue (1948) de Jack Bernhard avec Virginia Grey, Philip Reed (Editions Artus films)
On attend toujours avec impatience les nouvelles salves de DVD édités par les bons soins de la maison Artus. Après quelques trésors du cinéma gothique italien, de la « nazisploitation » et du film de jungle avec gorille patibulaire[1] ; voici aujourd’hui les films de dinosaures. Je vous parlerai prochainement de La planète des dinosaures (1978) mais penchons-nous aujourd’hui sur cette mystérieuse Ile inconnue datant de 1948.
Au premier abord, il pourrait s’agir d’un démarquage de la première partie de King Kong : un jeune photographe et sa fiancée parviennent à convaincre un capitaine de les mener jusqu’à une île inconnue où vivent encore de grosses bestioles préhistoriques. Sur place, l’expédition va se révéler plus complexe que prévu…
Dans un des suppléments du film, l’incontournable Alain Petit demande aux spectateurs de regarder ce film avec beaucoup d’indulgence et de se remettre dans le contexte d’une époque (l’immédiat après-guerre) où l’on n’avait pas vu de dinosaures sur les écrans depuis un bon moment (sans doute d’ailleurs depuis King Kong).
Cette mise en garde laisse deviner que le film de Jack Bernhard est loin d’être un chef-d’œuvre et relève davantage de l’économie d’une petite série B (voire Z par moment) sympathique. Malgré ses indéniables faiblesses (rythme un brin lymphatique, mise en scène relativement plate, rebondissements scénaristiques peu vraisemblables…), il se dégage de cette Île inconnue un charme naïf pas désagréable.
Alain Petit confesse volontiers qu’il aime ce film parce qu’il est entièrement lié à son enfance. Et effectivement, ces aventures exotiques à deux sous, mélange improbable du Voyage au centre la terre de Verne et du Monde perdu de Conan Doyle rappelle furieusement d’autres films du même style qui ont pu enchanter les longues après-midi de notre enfance devant la télévision (Le septième voyage de Sinbad ou, évidemment, le fameux Voyage au centre de la terre de Levin avec James Mason).
Contrairement aux deux titres précédemment cités, Jack Bernhard a recours à une nouvelle technique d’ « effets spéciaux » pour donner vie aux monstres préhistoriques. Il ne procède pas par animation image par image de figurines comme purent le faire des génies comme Willis O’Brien (King Kong, Le monde perdu version 1925, celle d’Harry Hoyt) ou Ray Harryhausen (Jason et les argonautes de Don Chaffey, Le septième voyage de Sinbad de Nathan Juran…). Il n’adopte pas non plus la technique (plus tardive) du maquillage de vrais lézards et autres iguanes que l’on retrouve dans Le voyage au centre de la terre ou dans la version 1960 du Monde perdu (signée Irwin Allen).
Pour la première fois, ce sont de véritables acteurs qui endossent des tenues en caoutchouc représentant les monstres. La technique fera fureur au Japon puisque toute la série des Godzilla (y compris les épisodes les plus contemporains) y aura recours !
Pour être tout à fait honnête, la crédibilité n’est pas de mise avec ce type de costumes et les mouvements des dinosaures paraissent bien peu agiles et très maladroits (leur démarche à quelque chose de semblable à celle des zombies de Romero !). Petit raconte d’ailleurs une petite anecdote assez drôle : devant tourner en plein désert californien, l’un des figurants cachés sous le costume d’un tyrannosaure a fait un malaise et s’est écroulé. Roublard et satisfait de cette chute, Bernhard a conservé le plan et l’a raccordé avec un autre où nos vaillants aventuriers balancent des grenades dans les pattes des belliqueuses bestioles !
Les amateurs des effets spéciaux dernier cri et du soporifique navet de Spielberg (Jurassic park) trouveront sans doute ça d’une ringardise absolue mais j’avoue que, pour ma part, ces petites aventures mollassonnes et kitch ne sont pas dénuées de charme.
A condition de goûter aux antédiluviennes créatures caoutchouteuses qui firent frémir nos parents et grands-parents…
[1] Nous attendons avec impatience des collections dédiées aux films de catcheurs mexicains, de zombies espagnols, de cannibales italiens ou, pourquoi pas, aux comédies érotiques bavaroises, aux « nudies » américains voire aux « hygiene pictures » teutons…