Vive le bagne !
99 mujeres (1968) de Jess Franco avec Maria Schell, Maria Rhom, Herbert Lom
Rien de tel pour apaiser les tourments d’une âme en peine qu’un bon « WIP » film. Mes lecteurs réguliers n’ignorent désormais plus rien de ce (sous)-genre divin mais doit-on rappeler à ceux qui ne fréquentent les salles qu’une fois dans l’année, et ce pour aller voir le dernier Beauvois (je me demande si je vais finir par succomber) sur recommandation de son hebdomadaire préféré (ne cherchez pas : ils ont tous les mêmes goûts !) que cet acronyme signifie « Women in Prison » ? Les films de « femmes en prison » sont suffisamment délectables en eux-mêmes pour qu’on se rue toutes affaires cessantes sur l’un d’eux lorsqu’il est signé Jess Franco, cinéaste qui deviendra l’un des piliers du genre dans les années 70 (qui ne rêve pas, comme moi, de découvrir un jour Quartier de femmes, Femmes en cage, Le pénitencier des femmes perverses, Camp d’amour pour mercenaires, Frauen Ohne Unschuld, Die Sklavinnen ou Sadomania ? Rien que les titres font saliver !).
Si le genre est absolument féerique, avec ses incessants crêpages de chignons entre détenues et les traditionnelles matonnes cruelles qui n’hésitent pas à recourir aux punitions les plus sévères à l’égard de leurs détenues ; il relève le plus souvent du cinéma d’exploitation le plus bas de gamme. Nous avions même parlé ici d’une sous-catégorie sublimissime du « WIP film » qui est la « nazisploitation ».
Ce qui étonne donc dans 99 mujeres, c’est que Jess Franco ait bénéficié d’un budget correct et que son film relève davantage de la série B (le final dans la jungle le rapproche d’un très classique « film d’aventures » un poil « cheap ») que du nanar fauché auquel le maître nous a parfois habitué. Il peut même ici s’offrir les services de Maria Schell (vu aussi bien chez Guitry et Clément que dans Les nuits blanches de Visconti) et de Herbert Lom, le génial commissaire Dreyfus dans la saga des Panthère rose de Blake Edwards.
Mais ce que Franco gagne en moyens, il le perd en folie et on cherchera en vain dans ce film les éclats de génie que l’on peut trouver dans des films comme L’horrible docteur Orlof ou La comtesse noire. Le style est assez plat, l’érotisme d’une timidité assez peu coutumière chez le cinéaste (mais il faut dire que la censure franquiste –l’autre, le sénile dictateur- ne rigolait pas à l’époque).
Les scènes entre prisonnières sont assez languissantes (j’aime néanmoins beaucoup cette belle détenue qui ne se sépare jamais de ces bas, délicieuse coquetterie qu’on avait tort de croire impossible dans un pénitencier à la discipline si stricte) et le scénario fort décousu (on part d’abord sur l’arrivée de la belle Léonie venue enquêter sur une mort mystérieuse survenue au pénitencier et on abandonne la piste pour suivre une tentative d’évasion). Mais le pire, c’est que tout ça manque cruellement de rythme.
Le temps d’un flash-back coloré, Franco se rappelle à notre bon souvenir avec une danse filmée à l’aide de filtres colorés qui annonce la folie visuelle de Vampyros lesbos. Mais l’ensemble, sans être franchement désagréable (ces prisonnières en petites culottes ne provoquent aucune antipathie viscérale), s’avère un peu languissant et décevant.
A noter que le film sortira sous divers titres (Les brûlantes) dans les années 70 et dans des versions plus ou moins « sexy » (il était alors de rigueur de ressortir des films « bis » en les caviardant d’inserts pornos). La version proposée hier était, bien évidemment, la plus soft et elle ne choquera pas même le plus frileux des curés de gôôche style Delanoë !
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