Cinématon 1561-1590 (1992) de Gérard Courant

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Elodie Bouchez Cinématon n°1581

 

En débutant cette nouvelle étape du « cinémarathon », j'ai eu la surprise de tomber sur quelqu'un que j'ai déjà eu l'occasion de croiser « in real life ». En effet, le peintre chinois Yan Pei-Ming (n°1561) fut professeur à l'école des Beaux-Arts de Dijon et j'ai pu échanger quelques mots avec lui lorsque je fus amené à effectuer un stage dans ladite école. L'artiste se contente ici de fumer sa cigarette (un classique qui permet au modèle filmé de se donner une certaine contenance) en prenant parfois un air douloureux.

 

Au cours de notre parcours, nous avons ensuite été confronté à un problème de type grec. En effet, Courant s'est rendu à Thessalonique et a rapporté dans sa musette une dizaine de portraits d'augustes inconnus aux noms à coucher dehors (ou à descendre dans la rue, si vous préférez) se terminant généralement par « poulos » ! Aucun des films n'a réellement retenu mon attention. Tout juste se souvient-on d'un joli visage au soleil (Maritina Passari, n°1568), d'un buveur de whisky aguerri (Andonis Kafetzopoulos, n°1566), d'un mangeur de sandwiches compulsif (Antonis Kioukas, n°1572) et d'une belle productrice qui profite de son Cinématon pour se démaquiller (Elena Giamma, n°1577).

 

De retour en France, le cinéaste nous offre deux jolis portraits de jeunes comédiennes. L'une d'elles est totalement inconnue (la russe Natalia Petrova, n°1583) tandis que l'autre n'allait pas tarder à occuper le devant de la scène (Elodie Bouchez, n°1581, deux ans avant Les roseaux sauvages). Les deux ne font absolument « rien » mais leur naturel, leurs jolis sourires et une belle lumière confèrent à ces deux films une fraîcheur et une douceur remarquables.

 

Pour poursuivre la loi des séries, nous croisâmes ensuite une poignée d'artistes vidéo ayant eu recours à des ustensiles divers. Sobrement, Cathy Vogan (n°1584) se contente de téléphoner tandis que Dominik Barbier (n°1585) fait de son Cinématon une véritable vanité en posant avec une espèce de crâne en bronze (?). Totalement disjoncté, Jérôme Lefdup (n°1586) épuise (et fait rire) le spectateur en s'agitant convulsivement devant la caméra, en essayant toute sorte de lunettes et de couvre-chefs (chapkas, casquettes, kippas, etc.) tandis que deux écrans scintillent derrière lui en diffusant des images psychédéliques.

 

Et pour terminer l'étape, Gérard Courant nous propose un final royal avec trois cinéastes relativement connus. D'abord Nico Papatakis (n°1558) qui se contente de fixer l'objectif sans broncher, Bertrand Van Effenterre (n°1559) qui vaque à ses occupations sans se soucier du cinéaste et, le plus émouvant des trois, Jonas Mekas (n°1560) qui pose devant un mur sombre et nu. En filmant Mekas, Courant immortalise l'un de ses pères spirituels. L'auteur de Walden ne fait rien et se contente de boire un verre de vin blanc (on suppose qu'il s'agit de vin). Mais sa figure marquée, son regard triste et son air fatigué donnent à ce portrait une véritable intensité.

Comme avec Godard, Pialat et quelques autres, on oublie l'absence « d'action » du film et on est magnétisé par la présence de ce cinéaste qui a révolutionné à sa manière le septième art...

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