Cinématon 2251-2280 (2009-2010) de Gérard Courant

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Me, myself and I Cinématon n°2269

 

Cette étape ne ressemble à aucune autre puisque elle correspond à l'époque où j'ai rencontré Gérard Courant et où je suis moi-même entré dans la grande famille de Cinématon. Mes aimables lecteurs me pardonneront pour cette fois de céder à la tentation du récit autobiographique et des souvenirs personnels mais, après tout, le journal intime n'est-il pas l'essence même d'un blog ?

 

Cette parenthèse narcissique me permettra de passer sous silence le portrait du sinistre folliculaire xénophobe Ivan Rioufol (n°2278) mais également ceux des cinéastes Jean-Claude Missiaen (n°2257) et Krzysztoff Zanussi (n°2270) qui auront, je l'espère, la bonté de ne pas m'en tenir rigueur. Idem pour Gilles Ribstein (n°2254) qui se cache derrière une espèce de miroir où est inscrit « Ceci n'est pas mon portrait » et où se reflète une partie du Cinématon de Jean-Pierre Bouyxou.

 

Pour débuter mon récit, il convient de remonter le temps. Le 22 octobre 2009, Alain Cavalier est attendu à Dijon pour présenter son film Irène. A cette occasion, le cinéma Art et Essai de la ville (L'Eldorado) organise un mini-cycle consacré au « journal intime » à l'écran. Joseph Morder et Gérard Courant sont conviés à une petite table ronde autour de ce thème, animée par Philippe Roger. J'ignorais à ce moment-là que Courant continuait de filmer. Pour moi, il était l'homme des Cinématons et de quelques titres croisés au hasard de mes lectures des Saisons cinématographiques (j'avais déjà entendu parler de Cœur bleu, par exemple). Je réalise alors, en consultant son site Internet, que le cinéaste est toujours en activité (et très prolifique !) qu'il est l'auteur d'une œuvre foisonnante et qu'il a lui-même vécu à Dijon. La manière dont il évoque son œuvre devant le public ce soir-là me donne très envie de la découvrir, mais comment ?

 

Après le débat avec Cavalier, le directeur de la salle me propose de me joindre à tout ce beau monde pour aller boire un verre. Paradoxalement, Courant sera le seul des trois cinéastes avec qui je n'échangerai pas un mot. Pendant le trajet en voiture, Alain Cavalier me pose plein de questions sur les blogs et m'interroge sur mon pseudonyme en me confiant que sa mère cuisinait autrefois le « veau Orloff ». Un peu avant, j'avais pu échanger quelques mots avec Joseph Morder qui m'apprit qu'il connaissait le site Kinok, qu'il avait lu mes articles concernant ses films et qu'il les avait aimés. Je n'en fut pas peu fier. Mais pour ce qui est de l'auteur de Cinématon, je n'arrivai pas à l'approcher.

 

Je profite néanmoins du cycle « journal intime » pour aller en salle découvrir le très beau Nuages américains de Morder et j'enchaîne, le 26 octobre, avec la projection de Promenade dans les lieux de mon enfance dijonnaise de Courant. C'est le premier film que je découvre du cinéaste (j'ai déjà dû voir quelques extraits des Cinématons les plus célèbres – Godard, Bonnaire- mais je ne crois pas en avoir regardé un entièrement) et je tombe sous le charme de ce « carnet filmé » tourné en « négatif » et en un seul plan-séquence. Je publie une note sur mon blog le lendemain et c'est là que tout débute. Le cinéaste tombe sur ma critique et me laisse un commentaire où il propose de m'envoyer quelques DVD de ses films. Très vite, j'en reçois et publie mes réactions à leur propos tandis qu'une correspondance par courrier électronique commence à s'établir.

 

Profitant de ses passages réguliers à Dijon, le cinéaste m'informe que nous pourrions convenir d'un rendez-vous pour nous rencontrer. Ladite rencontre se fera grâce à Matthias Chouquer, directeur de l'Eldorado qui, après avoir convenu d'un déjeuner avec le cinéaste, m'a gentiment proposé de me joindre à eux. Par courrier, Courant me propose également de tourner mon Cinématon.

A la fois très excité par cette idée et, en même temps, fort inquiet, je commence à réfléchir à ce que je pourrai bien faire pendant plus de trois minutes devant la caméra. Une idée me vient à l'esprit mais il faudra absolument que le tournage ait lieu chez moi...

 

Ce 21 décembre 2009, je retrouve donc Mathias et un ami, formateur et réalisateur, qui m'apprend qu'il vient de tourner son Cinématon devant le cinéma (on aperçoit l'affiche de Vincere de Bellocchio), dans le froid hivernal de cette fin de matinée (la neige recouvre encore le capot d'une voiture). La caractéristique du portrait d'Aurélio Savini (n°2267), puisque c'est de lui dont il s'agit, est qu'il est le premier de la série à avoir été tourné à Dijon.

Je fais donc connaissance avec Gérard Courant qui, pour l'occasion, m'a encore gâté et apporté plein de films (Gérard est un homme très généreux qui n'offre pas que ses films : c'est lui, par exemple, qui m'a fait découvrir Stéréo et Crimes of the future de Cronenberg ou Harvey de Koster).

Nous allons dans un restaurant et je garde le souvenir d'une après-midi délicieuse à écouter le cinéaste parler aussi bien de sa propre œuvre que du cinéma en général qu'il connaît très bien, qu'il s'agisse de Rohmer ou de Louis de Funès. Après le repas, ce fut au tour de Matthias Chouquer (n°2268) de se faire filmer. Dans le restaurant, il roule une cigarette et l'allume tout en parlant avec Courant et en dégustant un verre de vin blanc (qui était, entre parenthèses, fameux).

 

Arrive le moment où la question de mon propre Cinématon revient sur la table. J'exprime le souhait de tourner chez moi en espérant que le cinéaste ne trouve pas que ça soit trop loin (je n'habite pas du tout dans le coin du cinéma!). Par chance, il se trouve qu'il loge à deux pas de chez moi et que nous sommes quasiment voisins. Du coup, nous voilà partis pour le « tournage ».

 

Trouvant que les Cinématons expriment une certaine « vérité » des personnes filmées, je décide de dresser un court inventaire de mes goûts (essentiellement cinématographiques mais un peu littéraires aussi). Les livres et DVD que je présenterai à la caméra auront pour tâche de me « représenter » mais également de me donner une contenance pendant les 3 minutes et 20 secondes de l'enregistrement.

Finalement, après avoir commencé par un succédanée pas terrible des aventures du docteur Orloff (celui signé Pierre Chevalier où Howard Vernon créé un homme invisible), je montrerai quelques livres (de Jean-Pierre Bouyxou, de Noël Godin, de Jean-Patrick Manchette, de Vaneigem et Debord), une bande-dessinée de mon frère (quoi de mieux que la famille pour caractériser ce que l'on est? ) et beaucoup de DVD (de Demy à Rohmer en passant par Yoshida et Sirk). Ne me sentant absolument pas à l'aise, je prononce parfois quelques mots mais Courant reste impassible, m'indiquant de temps en temps l'avancée des minutes. J'arrive au bout du portrait et termine en montrant le coffret 120 cinématons que vient de m'offrir le cinéaste. La boucle est bouclée : Orlof (n°2269) vient de rentrer dans cette grande œuvre !

 

Courant laisse tourner sa caméra après la fin du film et m'interroge sur mes impressions et mon sentiment général. Je laisse échapper quelques platitudes (« c'est long, trois minutes »!) en espérant que ces instants ne se retrouveront pas dans un « Carnet filmé »...

 

Même si je déteste me voir sur un écran (vous n'imaginez pas ma souffrance lorsque ce Cinématon a été projeté dans une salle de cinéma à Nice!), je dois admettre que l'expérience a été fort agréable et que j'en garde un excellent souvenir. On imagine après, quand il est trop tard, tout ce qu'on aurait pu faire devant la caméra. Mais peu importe : le film existe et marque la fin de ma première rencontre avec Gérard Courant.

 

Ce ne fut pas la dernière...

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