Cinématon 2161-2190 (2007-2008) de Gérard Courant

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Johanna Vaude Cinématon n°2190

 

Depuis le début de ces chroniques sur le « film le plus long du monde », j'ai usé (et sans doute abusé) des métaphores sportives, évoquant tantôt un marathon au long cours, tantôt une course balisée par de nombreuses étapes. Or il faudrait également parler de Cinématon comme d'une balade, une flânerie solitaire à travers le temps, les lieux et des visages. On observe, on se dissipe parfois, on s'amuse d'un détail, on profite de l'écoulement des minutes et on part à la rencontre d'individus tous différents. Même si je n'ai pas eu l'occasion de rencontrer réellement beaucoup de « cinématonés », mon projet m'a apporté de jolies surprises.

Ainsi, j'ai eu le plaisir de trouver un beau jour dans ma boîte aux lettres Nous n'irons pas à Barbizon, recueil de poèmes que m'a gentiment dédicacé Jean Berteault (n°2186). Je ne connaissais pas ce poète membre du Club des ronchons mais j'ai été séduit par le mélange d'humour, de tendresse et de mélancolie niché au cœur de ses vers. Et c'est donc avec presque un an de retard que je croise l'homme qui a dédié des distiques féminins à Gérard Courant. Engoncé dans une chemise noire fermée jusqu'au dernier bouton, Jean Berteault semble intimidé mais son malaise finit par le rendre extrêmement touchant.

 

En revanche, il peut arriver que certaines personnalités croisées en chemin vous donnent immédiatement envie de rebrousser chemin ou de prendre ses jambes à son cou. Même si le risque de croiser réellement Alain Griotteray (n°2164) est désormais quasiment nul (notre bonhomme bouffant les pissenlits par la racine depuis quelques années), nous n'aurions eu aucune envie de payer une tournée à cette vieille baderne libérale et droitière (qui pose devant une photo de De Gaulle) tombée dans les bras de l'héritière Le Pen à la fin de sa vie!

 

Mais Cinématon est surtout une histoire d'amitié et de complicité. Alain Paucard (qui, lui aussi, a fait preuve d'une grande générosité en m'envoyant plusieurs de ses livres) va ainsi offrir à Gérard Courant une espèce de « studio » et transformer son appartement en véritable « Factory » pour le cinéaste. On pourra ainsi voir les visages d'un certain nombre de plumes ayant participé au Dossier H consacré à Sacha Guitry : l'excellent Philippe d'Hugues (n°2183) qui affiche d'abord un air sévère (visage fermé, costume gris...) mais qui oublie peu à peu le dispositif et devient fort volubile ; Bernard Leconte (n°2176) ou encore André Bernard (n°2171) dont le rire est presque inquiétant (on a l'impression qu'il est en train de faire une attaque!).

 

En cherchant un peu des renseignements sur d'autres écrivains filmés, j'avoue que certains m'ont paru assez antipathiques, que ce soit l'homophobe François Devoucoux du Buysson (n°2180) et son allure de vieil étudiant d'une quelconque corpo de droit ou encore Jean-Paul Gourévitch (n°2182) dont l'unique préoccupation semble « l'islamisation de la France ».

En revanche, malgré ses antécédents de « footeux », je dois avouer que Johann Cariou (n°2185) a du tempérament et un style qui me plaît énormément (un homme qui a fondé la revue Cancer ! ne peut pas être totalement mauvais!).

 

Je disais que Philippe d'Hugues ne cessait de parler le temps de son portrait. Le paradoxe (les films étant toujours muets) est également entretenu par l'imitateur Raoul Volfoni (n°2162) et le pianiste Paul Volfoni (n°2163). Paradoxe encore plus piquant dans la mesure où je suis parvenu à reconnaître les imitations (Louis de Funès et Chirac) du...second alors que ça n'est pas son métier. Mais qui sont réellement ces personnages de Lautner ?

 

Si la plupart des 30 portraits que j'ai découverts ont été tournés chez Paucard (on y croise aussi l'animateur de radio Zappy Max -n°2178- ou le critique littéraire Alfred Eibel -n°2179-), certains ont été réalisés chez Gérard Courant, comme cet étonnant CinématonDominique Frot (n°2173) (la sœur de Catherine) se met un casque sur les oreilles et éclate en sanglots. J'ignore une fois de plus s'il s'agit d'un « jeu » mais la comédienne est fort convaincante.

 

Janvier 2008 : Gérard Courant quitte Paris et se rend à Dresde où il va filmer deux cinéastes : l'allemande Helga Fanderl (n°2189) qui tourne essentiellement en Super 8 et qui vaque ici à ses occupations sans se soucier le moins du monde de l'agitation derrière elle (des techniciens s'affairent) et la française Johanna Vaude (n°2190), habituée de l'émission Blow-up sur Arte, qui grelote en attendant la fin de son portrait hivernal.

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