François Truffaut (2014) sous la direction de Serge Toubiana (Flammarion/ La Cinémathèque Française. 2014)

Truffaut exposé

A l’occasion des trente ans de sa mort, la Cinémathèque a consacré une grande exposition à François Truffaut. Comme le souligne Serge Toubiana dans son texte introductif, la difficulté d’exposer le cinéaste tient au fait que son œuvre, « à l’inverse d’un Jacques Demy », ne possède pas « de dehors ou de hors champ plastique, pictural ou photographique. » Même s’il fait parfois référence à des cinéastes dans ses films (Hitchcock, en particulier), c’est toujours davantage en matière de découpage et de rythme plutôt qu’en réelles « citations ». Reste alors la grande obsession du cinéaste : l’écriture. On sait que Truffaut a nourri, tout au long de sa vie, une abondante correspondance. On sait également que la découverte de la littérature (Balzac en particulier) lui a littéralement sauvé la vie et qu’il a consacré un film à son inquiétude de voir un jour le livre disparaître (Fahrenheit 451). Enfin, le cinéaste fut un indécrottable collectionneur et un archiviste pointilleux qui a conservé tous ses documents relatifs à son œuvre.

On imagine donc la difficulté pour un commissaire de mettre en place une exposition, par définition « visuelle », avec un cinéaste dont l’écrit fut la principale préoccupation. Cela se sent dans ce catalogue qui est constitué d’un nombre important de textes : quelques essais « théoriques » et historiques (celui de Carole Le Berre, En contrebande, est absolument parfait) et beaucoup de témoignages de collaborateurs de Truffaut : scénaristes (Gruault, Claude de Givray), directeur de la photographie (Pierre-William Glenn), comédien et assistant (Jean-François Stévenin), monteurs (Martine Barraqué, Yann Dedet), producteur (Jean-Louis Livi) et attachée de presse (Martine Marignac).

De manière très classique, l’exposition privilégie l’aspect chronologique. Dans un premier temps, de beaux et parfois rares documents permettent de se replonger dans l’enfance de Truffaut (qui avait déjà la manie, comme tout cinéphile qui se respecte, de noter absolument tous les films qu’il voyait), sa période « critique » (avec un retour évident sur son fameux article Une certaine tendance du cinéma français) puis ses débuts de cinéastes.

Ces trois premières parties sont les plus « visuelles » et on découvre avec intérêt des lettres de Cocteau et Genet, deux idoles du jeune turc.

Après un détour du côté du personnage d’Antoine Doinel, l’alter-ego de Truffaut, et une riche iconographie consacrée aux passions amoureuses qui rendent si brûlants la plupart de ses films, le catalogue nous propose ensuite un panorama circonstancié des différentes étapes des œuvres : l’écriture, le tournage, le montage et la musique, la diffusion. Pour ceux qui connaissent un peu le cinéma de Truffaut, il faut bien reconnaître que l’on ne découvrira rien d’inédit même si ce catalogue constitue un excellent récapitulatif de ce qui fait la force et la singularité de cette œuvre.

Pour terminer, un beau texte revient sur ses relations privilégiées avec l’américaine Helen Scott et sur la manière dont l’œuvre fut tout de suite reconnue dans le monde entier. Et c’est Jérôme Tonnerre qui conclut l’ouvrage par un texte très poignant où il imagine un cinéaste toujours vivant, âgé de 82 ans, qui aurait pu mener une vingtaine de projets après Vivement dimanche.

Le problème avec Truffaut, c’est qu’il existe déjà un nombre très important de livres qui lui sont consacrés. Du coup, je le redis, ce catalogue n’apprendra surement rien de très nouveau à ceux qui ont déjà eu l’occasion de se pencher sur le cinéaste. Néanmoins, sa richesse iconographique et les nombreux témoignages offrent ici une jolie approche impressionniste du cinéaste et donnent très envie de se replonger dans une œuvre dont la richesse paraît inépuisable…

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