Cinématon 1831-1860 (1997) de Gérard Courant

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Véronique Genest Cinématon n°1845

 

Le temps passe et on réalise soudain que ça fait très longtemps que nous n'avons pas effectué une nouvelle étape de notre (ciné)marathon.

Nous retrouvons aujourd'hui Gérard Courant à Belgrade, lors du périple qu'il effectua en Serbie en compagnie d'un groupe d'écrivains (Patrick Besson, Alain Paucard, Thierry Séchan...) et qui donnera naissance au film Voyage au centre du monde.

Dans une belle lumière printanière, il immortalisera Dimitri T. Analis (n°1832) et, surtout, Vladimir Volkoff (n°1831) qui affiche une belle sérénité (il est filmé en légère contre-plongée, devant un beau paysage ensoleillé).

Voir Cinématon, c'est aussi avoir la possibilité de reconstituer minutieusement l'emploi du temps de Gérard Courant. Ainsi, on devine qu'après un court passage à Paris, le cinéaste est reparti pour un festival à Argelès-sur-Mer d'où il a rapporté quelques classiques portraits ensoleillés (mon préféré, celui de Katia Rais (n°1836) qui joue classiquement la partition du modèle tiraillé entre le désir de se montrer et celui de se cacher : elle dissimule son visage derrière ses mains ou des lunettes de soleil).

Retour à Paris où l'on croise le chemin du cinéaste engagé Pierre Merejkowski (n°1840) qui offre le visage assez inquiétant d'un savant fou jouant avec une pièce avant de déchirer rageusement un numéro de Libération (ce qui prouve qu'il est un homme de goût).

 

Arrive ensuite le gros de l'étape puisque Gérard Courant s'est rendu au festival de Deauville et qu'il a rapporté dans sa musette pas moins de cinq portraits de gens « célèbres ». Si j'étais méchant (ce qui ne m'arrive que très occasionnellement, on en conviendra), je dirais que le temps à un peu relégué ces personnalités dans la catégorie des « ringards ». Mais n'anticipons pas.

Nous débutons avec un Henry Chappier (n°1842) égal à lui-même, à savoir marmoréen. Il n'affiche aucune expression et se contente de fumer son clope à l'aide d'un porte-cigarettes que n'aurait pas renié Marlène Dietrich.

Arrive ensuite le tout jeune Laurent Gerra (n°1843) et son sourire carnassier. A ce moment précis du film, on bénit Gérard Courant d'avoir choisi le muet comme l'un des concepts fondamentaux de son dispositif : on échappe ainsi à ses imitations !

Pour lui succéder, on trouve le grand Jean-Pierre Kalfon (n°1844), assurément le moins « ringard » du lot même si son maquillage (me semble-t-il), sa chemise colorée et sa veste blanche lui donne des allures de « vieille folle » (avec tout le respect sincère que je porte à ce grand comédien). Tout au long de son portrait, il conservera un léger sourire triste qui finit par rendre ce Cinématon réellement émouvant.

C'est ensuite au tour de Véronique Genest (n°1845) de passer devant la caméra de Courant. Avant de devenir la star télévisuelle que l'on sait (Julie Lescaut dans un film expérimental!) et l'agaçante groupie sarkozyste qui insulte tout le monde sur Twitter (à sa décharge, il est vrai que de devoir se défendre face à la meute des internautes anonymes peut rendre agressif) ; elle fit un petit passage bien sympathique dans Cinématon. Sympathique parce qu'elle affiche un sourire radieux et qu'elle passe son temps à rigoler. Même si nous ne partageons pas ses idées politiques, nous préférerions largement sa compagnie à celle des austères personnalités allemandes que nous avons pu croiser lors de notre périple !

Pour terminer cette série, c'est Vanessa Demouy (n°1846) (oui ! La star des séries ringardes de M6) qui s'y colle. Mise à part le fait qu'elle sorte une cigarette, rien à signaler dans ce portrait assez banal.

Toujours à Deauville, Courant filme le chef-opérateur Philippe Ody (n°1847) qui commet la lourde erreur de succomber à la grimace (il louche un court instant) alors qu'il avait jusqu'alors affiché une impassibilité de marbre. Quant à l'ingénieur du son Bertrand Le Lièvre (n°1848), il ressemble à un mélange improbable entre Jean-Pierre Darroussin et un hard-rockeur allemand !

Le journaliste Pierre-Yves Salique (n°1849) se montre plus original. Il laisse d'abord la caméra de Courant filmer un beau ciel nuageux (en contre-plongée) et se met à faire les cents pas devant ladite caméra. Parfois il s'arrête et nous fixe avant de repartir.

 

Après Deauville, le cinéaste prend l'avion pour le Canada et une belle série de portraits en plein-air (avec souvent, un beau soleil d'automne).

Parmi les plus notables, citons d'abord ceux de deux cinéastes africains qui posent devant d'épais feuillages. Léonce Ngabo (n°1850) se montre détendu et souriant et ce visage sympathique baignant dans une lumière qui « cuit » parfois l'image couplé à ce décor bucolique provoquent une très belle alchimie. Etienne Mouni Kabore (n°1851) affiche un visage beaucoup plus fermé mais les effets de solarisation et le vent font qu'il paraît parfois posé devant un décor en transparence.

 

Ensuite, il faut s'arrêter sur le cas de deux canadiens « estropiés ». Le portrait de Denys Desjardins (n°1854) est étonnant. D'abord parce qu'il fait filmer son reflet dans un miroir qui n'arrête pas de bouger à cause du vent (c'est l'un des seuls Cinématon, avec celui d'Ossang, où le cadre n'est pas stable). Ensuite parce qu'il profite de ce temps pour enlever un œil de verre et le présenter à la caméra ! Ce film nous fait alors ressentir de manière vertigineuse la différence qu'il peut y avoir entre l'image qu'on donne de soi (le reflet dans un miroir, la prothèse oculaire) et ce qu'on est réellement.

Même idée avec Chris Leblanc (n°1855) qui enlève, pour sa part, un dentier et nous montre une mâchoire avec un gros trou noir au milieu. Par ailleurs, ce vidéaste se lève et file dans la profondeur de champ du plan pour aller pousser des enfants qui s'amusent sur un pneu monté en balançoire.

 

Pour terminer, signalons que Nicolas Frichot (n°1859) reprend l'idée de Philippe Guillot en débutant son portrait le plus loin possible de la caméra et en s'approchant au fur et à mesure de l'objectif. Il finira en gros plan, assis sur un canapé.

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