Philippe Garrel : désespoir éblouissant (2016) (Hyunsil Book, 2016)

Garrel à Séoul

Le musée d’art moderne et contemporain de Séoul a consacré à la fin de l’année dernière (du 25 novembre 2015 au 28 février 2016) une grande rétrospective aux films de Philippe Garrel. De cet événement, il reste de nombreux Carnets filmés de Gérard Courant (disponibles sur You Tube, notamment les « Master class » de l’auteur de Liberté la nuit) et un beau catalogue franco-anglais (édité en plus d’un catalogue coréen plus complet).

Il y a deux manières d’aborder cet ouvrage. La première, sans doute la moins bonne, est de se contenter d’un regard objectif et « franco-français ». Dans ce cas, il est possible d’émettre quelques critiques : contributions inégales, traductions parfois bien hasardeuses, nombreuses coquilles dans les textes.

Mais si l’on prend un peu de recul et qu’on prend conscience du boulot consciencieux mené par le musée (après tout, est-ce qu’il existe un catalogue de l’exposition Im Kwon-Taek à la Cinémathèque française ? Si oui, existe-t-il une version anglo-coréenne ? ) et des efforts fournis pour offrir aux spectateurs (et lecteurs) francophones un bel ouvrage ; on ne peut que tirer notre chapeau aux concepteurs de cet ouvrage.

Outre un petit texte sur la plupart des films de Garrel (probablement ceux qui ont été projetés), un ensemble d’essais et de documents (dont une lettre de Godard) compose une mosaïque de points de vue sur l’œuvre du cinéaste. Si les problèmes de traduction m’ont un peu tenu éloigné des textes non francophones (notamment celui qui ouvre le catalogue et qui tente de tirer l’œuvre de Garrel dans le champ de l’art contemporain), d’autres se révèlent passionnants. Je pense notamment à ceux de Nicole Brenez (un de ces deux textes, consacré à l’œuvre télévisuelle du cinéaste, avait déjà été publié dans le catalogue de la grande rétrospective qui avait eu lieu à Bobigny), à celui du spécialiste Philippe Azoury, celui de Cyril Béghin sur le rapport aux acteurs ou encore celui de Dominique Païni sur la figure du miroir dans le cinéma de Garrel.

Tous ces courts essais reviennent sur les différentes « périodes » de la filmographie de Garrel : la période « révoltée » avec l’expérience du groupe Zanzibar (beau texte de Jackie Raynal), la période Nico, le retour à la narration après L’Enfant secret, les films plus récents (avec un formidable extrait du journal de Clotilde Courau sur le tournage de L’Ombre des femmes)…

Les spécialistes n’apprendront certainement rien de bien neuf en feuilletant ce catalogue mais, là encore, il faut avoir conscience qu’il s’agit d’un ouvrage édité par un musée coréen sur un cinéaste qui, même en France, n’a qu’une audience limitée. Cette volonté d’accompagner l’œuvre mérite le plus grand respect et toute notre admiration, d’autant plus que « l’objet livre », un peu « arty », est très, très beau.

 

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